Il a photographié la musique de J à Z

Musique et encore musique. Pascal Schmidt pose devant son impressionnante collection de vinyles. © Dom Smaz / Hans Lucas

Architecte et photographe, Pascal Schmidt a suivi depuis les années 80, en Suisse et en Europe, les concerts donnés par des stars de la musique qu’on a pu voir et entendre à Montreux et à Cully. A 66 ans, il transforme son fonds exceptionnel d’archives en magazine en ligne.

Le jazz, Pascal Schmidt, architecte et photographe vaudois, grand collectionneur de vinyles, en connaît un bout. Il n’a que 13 ans, en 1969, quand il se prend de passion pour cette musique: «Tout commence à la kermesse d’une paroisse catholique de Lausanne qui connaissait quelques passionnés de jazz New Orleans. Je me souviens d’un groupe de musiciens des Pays-Bas, des célébrités à l’époque, qui jouaient comme des malades en prenant leur pied sur scène.» 


Alain Bashung, en 1985, à Epalinges. © Pascal Schmidt

La création toute récente de son magazine en ligne Ethnic Folk-Dance en témoigne, sa passion initiale pour ce genre musical est débordante. Appareil en bandoulière, Pascal Schmidt explore, depuis 1976, toutes les facettes des notes bleues dans un horizon largement ouvert aux rythmes et aux sons venus du Brésil, de la planète rock et de l’univers du blues et du funk. D’où le nom de son média en ligne, en référence directe à un manifeste de Charles Mingus, multi-instrumentiste, compositeur, pierre d’angle du jazz moderne: «Au début des années soixante, explique Pascal Schmidt, Mingus décide de changer le slogan du prestigieux label Impulse! pour ses enregistrements.» Il abandonne ainsi le terme «jazz» au profit de «folk». Plus précisément: Ethnic folk-dance music. «Il estimait que le mot «jazz» est utilisé de façon péjorative pour renvoyer à une musique de second plan jouée dans les salles de jeu et les bordels, alors qu’il s’agit de l’acte culturel le plus important de l’Amérique du Nord au XXe siècle.»

Magnétisme

A travers ses photos, Pascal Schmidt cherche et trouve toujours ces instants de grâce durant lesquels l’intensité de la musique est perceptible dans l’expression de ces bêtes de scène, saisies par l’objectif à la seconde même où elles font entièrement corps avec leur musique: «Je cherche à les capturer dans leur magnétisme.» Le noir-blanc des portraits rend très bien la vibration propre à chaque concert. Comme le dit bien Pascal Schmidt, l’évocation d’une star de la musique suscite aussitôt une image dans l’esprit. C’est tout l’intérêt du portrait-photo «qui donne une permanence mémorielle aux artistes».


Une danseuse du groupe de Fela Kuti, en 1984, à Lausanne. © Pascal Schmidt

Chacune de ces images s’accompagne d’un bref article en anglais situant tout à la fois les musicien(ne)s, leur univers, le contexte de la prise de vue ainsi qu’une sélection d’enregistrements chers à sa passion de collectionneur. Sobres, mais riches en détails significatifs, ces notices donnent du relief aux portraits qui sont également à vendre. En tirages limités, numérotés à la main et signés de l’auteur, ils peuvent être commandés en ligne. 

La conception graphique du magazine, très soignée, renvoie directement aux pochettes de disques. Et Pascal Schmidt de rappeler, au passage, l’extraordinaire aventure du fameux label Blue Note tant apprécié des amateurs et objet de convoitise des collectionneurs: «L’association extraordinaire d’un producteur et d’un photographe, tous deux ouvrant la voie à un ingénieur du son et à un graphiste, et offrant une très grande liberté aux musiciens.»

Photos en vente

Pour l’heure, le magazine de Pascal Schmidt repose d’abord sur sa collection d’archives. Soit quelque six cent photos de quelque huitante à cent musiciens de premier plan. Mais avec sa retraite d’architecte toute proche, il entend bien reprendre le chemin des salles de concert et ouvrir le site à d’autres passionnés de photo et de musique. En 2022, on a pu le voir au club lausannois Chorus, au Cully Jazz Festival et au 1st Montreux International Guitar Show.


Nina Hagen, en 1980, à Lausanne. © Pascal Schmidt

Il est vrai, l’époque où les stars se laissaient un peu plus facilement prendre en photo est révolue: «Les musiciens connus veulent un droit à l’image et l’accès aux photographes est restreint par les accréditations.» Même si aujourd’hui tout se négocie, quelque chose demeure: la rencontre unique entre un musicien et un photographe. Pascal Schmidt en sait quelque chose. Pas rares sont les stars qu’il a immortalisées à lui commander leur propre portrait. Sans parler de leurs fans. Il a pu encore le vérifier sur place à Rio, en 2016. Via Présence Suisse, Pascal Schmidt a exposé neuf photos de stars brésiliennes à l’occasion des cinquante ans du Montreux Jazz Festival: «Les Brésiliens ont pu revoir leurs artistes favoris sur la scène du festival qui a fait découvrir leur musique en Europe.» 

Nicolas Verdan

 

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