Les bancs : ils sont partout et on les aime !

Le banc public est plus que jamais dans le vent. Répertorié, cartographié, il est l’objet de toutes les attentions, des promeneurs aux planificateurs urbains, pour le plaisir et la mobilité. Témoignages d’amateurs enthousiastes.

Les places publiques au sommet des montagnes, les bancs sont partout. Ils font partie du décor, tant et si bien que le piéton pressé et le randonneur gaillard les ignoreraient presque. Toutefois, quand vient le temps de marquer une pause, pour récupérer, attendre ou croquer un morceau, chacun est heureux de trouver sur son chemin une assise adéquate.
Amoureuse des bancs, Renate Albrecher a fondé en 2017 l’association Bankkultur, lui donnant pour mission la valorisation de cet objet et des histoires qui l’entourent. Son premier projet, la « Carte banc’aire », a pour objectif de répertorier les bancs dans toute la Suisse, sur un mode participatif. Chacun peut prendre en photo les bancs qu’il rencontre au gré de ses promenades rituelles ou de ses excursions, et les intégrer à une base de données par le biais d’une plateforme internet* . Les bancs figurent ainsi sur une carte. Outre leur emplacement, des critères, tels que la vue, le niveau sonore ou encore l’accessibilité, peuvent également être précisés.

 

Des histoires et de la convivialité

En une année, plus de 14 000 bancs sont ainsi répertoriés, autant dire que l’initiative séduit ! Et son succès ne tarit pas : Renate Albrecher reçoit des dizaines de photos de bancs, chaque week-end. « C’est fascinant à quel point cet objet touche les gens, raconte-t-elle, ils aiment partager leur histoire avec le banc, le moment particulier qu’ils ont vécu. » Elle remarque que les jeunes retraités sont particulièrement actifs dans la communauté récemment formée des amateurs de bancs . « Ils maîtrisent bien les outils — appareil photo, internet — et aiment pouvoir continuer de contribuer à la société par ce biais, en faisant quelque chose de productif et de valorisant. » Cette carte permet ainsi de choisir une promenade en sachant qu’on trouvera un endroit où se reposer en chemin. « Cela augmente le rayon de mobilité de certains, et ne les retient plus de sortir à l’air, dans la nature », explique Renate Albrecher, qui aime pour sa part « savourer la beauté de la Suisse en marchant ».

Pour 2019, l’association Bankkultur a imaginé un nouveau projet: un banc itinérant. Celui-ci parcourra la Suisse à la rencontre des gens, s’installant dans des lieux à haute valeur paysagère ou culturelle. « Les bancs ne sont pas faits que pour se reposer. La plupart sont positionnés d’une manière à regarder quelque chose de particulier », explique Renate Albrecher. En Suisse romande, on pourra s’asseoir à Saint-Ursanne, du 20 au 23 juin, et à Echallens, du 6 au 10 novembre. Sociologue de formation, Renate Albrecher insiste sur le caractère convivial de l’objet. Durant son enfance passée dans un petit village autrichien, elle se souvient avoir souvent discuté avec des gens de passage, sur l’unique banc du hameau où elle vivait. « Nous manquons d’endroits, dans notre société, où l’on peut simplement parler avec les gens, de manière non intrusive et sans obligation. Le banc offre cet espace privilégié », analyse la fondatrice de Bankkultur, établie depuis dix ans dans la région lausannoise.

 

 

De précieux relais

Toutefois, tous les bancs n’ont pas pour seule fonction de servir un tableau à admirer ou créer un espace de socialisation. Pour les personnes plus vite fatiguées par les déplacements à pied, ils servent d’étapes et leur offrent la possibilité de reprendre leur souffle et l’énergie nécessaire à la poursuite du trajet. C’est même la fonction première de certaines assises que l’on appelle les « sièges relais ». A Lausanne, mais aussi à Neuchâtel, à Guin ou à Carouge, les collectivités publiques se sont penchées sur la question, ont identifié les manques et proposé un nouveau mobilier. « Les personnes à mobilité réduite doivent pouvoir bénéficier des infrastructures nécessaires pour continuer de sortir et de se déplacer de manière autonome », explique Isabelle Girod, déléguée aux personnes âgées pour le canton de Neuchâtel.
Une distance trop importante entre deux possibilités de halte, une pente le long de laquelle il est impossible de marquer un stop, et la personne renonce à sa sortie. C’est ainsi qu’on trouve parfois des sièges dans des endroits qui paraissent saugrenus : « Un jour, j’ai trouvé deux jeunes qui photographiaient un siège installé près de conteneurs à ordures, l’air amusé, se souvient Isabelle Girod. Je leur ai alors expliqué la fonction de cette assise, qui avait été spécifiquement demandée à cet endroit situé près d’un immeuble pour personnes âgées. Son but n’est pas le délassement, mais bien de récupérer. » Cependant, dans l’idéal, les emplacements des bancs et des « sièges relais » sont choisis de façon à satisfaire l’utile et l’agréable. Lieux de délassement par excellence, les bancs offrent une parenthèse de détente, un moment suspendu dans la frénésie quotidienne, un espace pour contempler et mieux repartir.

 

Une question qui fait l’unanimité

Membre du Conseil des seniors d’Yverdon (COSY), Cathy Boutillier se souvient que la question des bancs a été soulevée dès la fondation du groupe, en 2015. Une campagne de cartographie avait alors été menée pour identifier les lieux où des bancs manquaient. Hauteur et profondeur d’assise avaient été mesurées et la présence de dossier et d’accoudoir relevée. Car ces caractéristiques sont importantes lorsque le corps n’a plus la même vigueur (lire encadré). « Le but était de n’avoir pas plus de 150 mètres sans possibilité de s’assoir », rapporte Cathy Boutillier. Lorsqu’elle apprend par Facebook l’existence du projet de « carte banc’aire », elle est tout de suite séduite par l’idée et en fait part à ses collègues du Conseil des seniors. « J’ai pris beaucoup de photos, mais ne les ai pas encore toutes intégrées à la base de données », explique-t-elle. Elle prévoit, cette année, de former un petit groupe pour contribuer à répertorier les bancs dans sa région. « Il faut maîtriser un peu l’ordinateur pour pouvoir procéder à la mise en ligne. Le groupe multimédia du COSY pourra venir en aide à ceux qui souhaitent le faire ! »

Chloé Veuthey

photos: Yves Leresche


TÉMOIGNAGES

 

 

*Carte interactive gratuite sous secrets-bancaires.ch

 

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