Les pouvoirs de la lune nous gouverneraient-ils ?

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Tandis que les Chinois l’inscrivent, à leur tour, dans leur programme spatial, la lune nous fait toujours rêver. Et même plus… avec sa présence discrète et ses courbes voluptueuses, elle aurait, selon certains, une grande importance sur nos vies sans que nous nous en doutions. Vraiment ?  

Lointaine, mais omniprésente. Depuis la nuit des temps, la lune revêt une importance capitale dans la vie des hommes. Vénérée à travers le monde, elle figure dans les mythologies et les croyances, symbolisant notamment la renaissance, la féminité et l’univers des ténèbres. Elle est présente sur les drapeaux, dans des poèmes, des chansons, des fictions, jalonne les expressions du langage courant, a laissé son nom au « lundi ». Elle nous plaît tellement que nous avons été jusqu’à l’intégrer aux événements les plus romantiques, de la déclaration d’amour au clair de lune à l’incontournable lune de miel. Depuis 1708, le Messager Boiteux, cher au cœur des Vaudois, lui réserve ainsi une place de choix, comme le rappelle l’actuel rédacteur en chef, Marc David : « Même dans les premiers exemplaires, il a toujours été beaucoup question de la lune dans nos colonnes. Nous publions les éphémérides, les cycles lunaires… Et je suis toujours frappé de constater que, lorsque je demande aux personnes interviewées quel est leur astre favori, c’est la lune qui ressort trois fois sur quatre.

Elle sera d’ailleurs présente sur notre prochaine couverture. » Entre données scientifiques et croyance populaire, l’astre lunaire contrôlerait en vrac les marées, les pluies, les eaux, les saisons, les moissons, les naissances, la pousse de nos cheveux et nos humeurs, transformant de temps en temps, paraît-il, un doux quidam en redoutable loup-garou. 

 

Que nous réserve la lune cette année ?

En 2021, nous aurons droit à douze pleines lunes. Evident, pensez-vous ? Pas tout à fait si l’on se souvient que, l’an dernier, le mois d’octobre en a compté deux à lui tout seul. En revanche, nous admirerons deux super lunes, ces pleines lunes intensifiées dites « de périgée » durant lesquelles le corps céleste se trouve à son point le plus proche de la Terre. Les effets sont mesurables sur les marées, mais également, dit-on, sur nos humeurs. Ils entraîneraient des sentiments exacerbés chez les personnes qui y sont sensibles, ainsi que des troubles du sommeil. Préparez-vous : ces super lunes interviendront les 28 mars et 27 avril.

De leur côté, les astrologues ont coutume de recommander la prudence durant les périodes où l’influence lunaire est très marquée dans notre signe zodiacal. Elle pourrait nous pousser à nous enthousiasmer un peu trop vite, à manquer de discernement, à être trop crédules… et à connaître, ensuite, des déconvenues à la mesure du rêve.

 

Lune et jardin : une complicité vieille comme le monde

Si les conseils des astrologues en font sourire certains, les jardiniers, prennent très au sérieux les différentes phases de la lune. Et nos ancêtres déjà cultivaient en fonction de ses cycles, une tradition séculaire que beaucoup de jardiniers, horticulteurs, vignerons et autres cultivateurs d’aujourd’hui observent, eux aussi. Ils savent tenir compte des périodes croissantes ou décroissantes et des passages de la lune devant les constellations du zodiaque. Autant d’événements qui conditionnent les jours dits « feuilles, fruits, racines et fleurs », et les interventions qu’ils impliquent. 

Le calendrier lunaire, consulté par beaucoup, mais critiqué par d’autres, est leur allié dans cette organisation du travail, leur indiquant notamment quels sont les jours, quatre fois par mois, durant lesquels il faut s’abstenir de jardiner. Les arguments de ceux qui suivent les rythmes de la lune se basent sur la sagesse populaire bien ancrée dans nos racines : ce n’est pas parce que l’on manque d’études scientifiques et de protocoles incontestables sur le sujet qu’il faut nier les observations accumulées au fil de siècles de pratique. 

 

Auteur principal du désormais célèbre Calendrier Lunaire, le Français Michel Gros a, durant toute sa vie, pratiqué une agriculture bio saine, respectueuse de la nature et attentive aux cycles lunaires : « Notre savoir vient de la tradition orale. Au début des années 1980, j’ai été rencontrer beaucoup d’anciens à la montagne qui, notamment en Suisse, avaient testé pas mal de choses sur les effets de la lune. De mon côté, j’ai fait beaucoup d’essais comparatifs qui m’ont permis de vérifier, par exemple, l’influence des nœuds lunaires sur les plantations. Mes fils et moi tenons compte de la lune pour toutes nos activités : l’apiculture, la confection de la bière, le maraîchage, mais aussi pour nos rendez-vous chez le dentiste ou le coiffeur. »

 

Sommeil de lune…

Combien de fois avons-nous entendu ou avons-nous dit nous-mêmes que l’arrivée de la pleine lune était synonyme de sommeil perturbé et de nuits écourtées ? Des travaux scientifiques publiés semblent confirmer cette thèse, indiquant que, pendant ces périodes, les phases de sommeil léger et d’éveil augmentent. En 2013, une équipe de l’Université de Bâle a analysé des données recueillies quelques années auparavant à propos d’une étude au cours de laquelle des volontaires avaient dormi dans des pièces sombres et sans fenêtre durant trois jours et demi. Immédiatement avant et après la pleine lune, il a été constaté que leur sommeil était plus léger que d’habitude et que sa durée a diminué d’une vingtaine de minutes.Il semblerait donc, bel et bien, que l’influence lunaire sur l’endormissement ne soit pas une légende.

 

 

Nos cheveux et la lune

Là encore, les effets de la lune ne sont pas scientifiquement prouvés… pourtant beaucoup d’entre nous, coiffeurs y compris, sont convaincus qu’il est important de se faire couper les cheveux en fonction des cycles lunaires. Selon les différentes phases, ils repousseraient plus ou moins vite. Un précepte que le coiffeur genevois Dominique Tixier a adopté de manière très festive : « Avec notre association Les Papillons de la Pleine Lune, qui existe depuis plus de vingt ans, nous avons organisé des coupes de cheveux nocturnes, les nuits de pleine lune. Et, après avoir arrêté quelque temps, nous avons décidé de remettre sur pied cet événement, si possible cet été en fonction des conditions sanitaires, aux Bains des Pâquis. » Quant à savoir si lui-même est convaincu des bienfaits de l’astre sur les cheveux, il sourit. « La coupe lunaire » devrait donc être réalisée quand la lune est croissante. Une coupe pratiquée alors permettrait une pousse plus rapide assortie d’une chevelure plus épaisse et plus luisante. Et une teinture effectuée dans cette phase croissante serait idéale pour que la couleur tienne mieux et plus longtemps. 

Mais, dans ce cas, un coiffeur observant ces principes est-il condamné à ne pas voir un seul client durant la période descendante de la lune ? Que nenni ! Si vous souhaitez conserver votre coiffure courte le plus longtemps possible, c’est pendant cette période lunaire de semi-latence qu’il faut envisager une coupe afin que vos cheveux repoussent plus lentement. A noter que, toujours selon la croyance populaire, ces conseils s’appliqueraient également pour les poils et les ongles. 

 

Mal lunés ?

Tendus, stressés, grognons, angoissés, nous avons tous un peu tendance à mettre nos changements d’humeur sur le dos de la pleine lune. Pourtant, ni les statistiques des postes de police ni ceux des services d’urgence et des hôpitaux psychiatriques n’évoquent d’augmentations des interventions en cette période du cycle lunaire. Il serait donc hasardeux de lui attribuer la responsabilité de nos comportements. Même si vous subissez ses effets, vous pouvez toujours vous consoler en découvrant les appellations poétiques que porte chaque pleine lune de l’année. Celle de février est dite Lune des Cornes en hommage aux cerfs qui perdent leurs cornes durant ce mois, mais aussi Lune des Tempêtes ou Lune de Glace.

 

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Lointaine, mais si présente

La lune excelle dans l’art de tromper son monde, nous donnant l’illusion d’être toute proche, alors qu’elle est installée à 384 500 kilomètres de la Terre et s’éloigne de nous d’environ 3,8 centimètres par année. Pudique, elle nous montre toujours la même face, évolue dans une obscurité constante provoquée par son manque d’atmosphère, subit des journées très chaudes atteignant les 120° C et des nuits glaciales avoisinant les -170° C. La lune livre ses secrets au compte-gouttes. Seul le pêcheur d’étoiles assis sur un croissant contemple un indice révélant la visite des hommes. Quelque part sur sa surface subsistent encore les traces laissées par leurs premiers pas. L’absence d’atmosphère, et donc de vent, ont préservé les empreintes des pas de Neil Armstrong et de Buzz Aldrin depuis juillet 1969. En revanche, le drapeau américain qu’ils ont planté a été arraché par le souffle du décollage d’Apollo 11. 

Mais alors que nous nous interrogeons sur son influence, une chose est certaine : sans elle, nous ne serions pas là. Elle a joué un rôle essentiel dans le développement de la vie sur Terre en provoquant le brassage des océans grâce aux marées et stabilise l’axe d’inclinaison de notre planète sans lequel notre avenir serait sérieusement compromis. La belle Dame Blanche mérite donc bien que nous lui pardonnions une éventuelle intrusion sur nos humeurs passagères…

 

La prochaine édition du Messager Boîteux sortira en septembre et il y sera comme d’habitude beaucoup question de la lune.


 

Martine Bernier

 

 

 

 

 

 

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