Martina Chyba: «J'ai testé pour vous... le technostress»

Un appareil nous lâche et on peut se sentir vite largué.e... voire carrément paniqué.e. © DR

Plus d'ordinateur, plus de Wi-Fi! Cette fois Martina Chyba a perdu les pédales dans ce monde où la technologie est devenue incontournable.

Je suis de la génération papier-crayon, qui se souvient de la TV sans télécommande (il fallait se lever, c’était pénible), des téléphones à cadran, des walkmans, de celle qui envoyait des cartes postales, écrivait des lettres à ses amoureux, allait chercher de la doc à la bibliothèque et passait par des secrétaires pour appeler quelqu’un. Une génération qui a connu le bonheur d’être injoignable. Une génération qui se retrouve salement dans la mouise (et je suis polie) en 2023 quand son ordinateur se crashe, un beau lundi matin.

Il ne s’allume même plus. Je sens toutes les hormones du stress envahir mon organisme. Mon amoureux qui, bizarrement, est aussi amoureux des câbles électriques, affirme péremptoirement que c’est l’alimentation. Je file à l’autre bout de la ville acheter un nouveau bloc d’alimentation. Le soir, on l’installe, enfin lui surtout… moi je le regarde en priant non pas tous les saints du paradis, mais Bill Gates. Je sais qu’il travaille désormais pour les vaccins en Afrique, mais qu’il se débrouille, moi j’ai besoin que mon ordi fonctionne. Or, je vois la tête désolée de mon chéri. «Comment ça, il ne fonctionne pas?» Ben non. Mort. Dead. Moi aussi, du coup.

Je ramène la bête au magasin. «Vous pouvez réparer?» «On va voir, on vous appelle en fin de semaine.» Arrêt du cœur. En fin de semaine? Mais c’est mon ordinateur fixe, j’ai toute ma vie dedans, mon dernier back up date d’il y a deux ans, ma messagerie est certes sur mon téléphone, mais c’est fastidieux, et c’est le seul ordi relié à l’imprimante, car avec celui du boulot, ça veut pas.

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Deux jours passent. Tout à coup, le réseau à la maison est interrompu. Donc plus d’ordi, plus de WiFi, j’appelle Swisscom. Maintenant, il n’y a plus tapez 1 tapez 2 ou la musique de Vivaldi, il faut parler à l’appareil. Evidemment à la question: «Décrivez-nous brièvement votre problème.»… on a envie de hurler: «Ça marche pas bordel de merde!» mais si on fait ça, le logiciel ne reconnaît pas le souci. Il faut donc poliment prononcer: «WFi interrompu.» Le monsieur me dit que ce n’est pas normal, que le réseau est rétabli. «Vous avez éteint et rallumé le routeur?» Euh non. «Tirez le petit câble blanc, attendez une minute et remettez-le.» Ils sont tous blancs, c’est lequel? Je visualise le gars en train de lever les yeux au ciel. «Le rond.» J’obtempère et, après cinq minutes ça remarche, ouf. J’en profite pour lancer une mise à jour sur mon smartphone. Erreur. Fatale erreur.

Bug

La mise à jour provoque un bug. La messagerie est en panne. Je rappelle Swisscom. «Vous avez le mot de passe pour la messagerie?» Je ne le connais pas. Et ma liste de mots de passe est dans l’ordi qui est cassé, hinhin. Il faut réinitialiser, ça prend 20 minutes. On désinstalle et on réinstalle, allelujah, je peux recevoir et envoyer un mail.

Le lundi suivant arrive, le magasin n’a pas rappelé. On débarque. «Ah oui, on peut pas réparer.» Bon, tant qu’on est là, on en rachète un, c’est pas comme si on avait le choix. Et hop, 1000 balles pour Bill Gates! A la maison, ça s’allume, je retrouve mes documents grâce au disque dur, mais surprise, la messagerie ne fonctionne pas. Re-re-téléphone à Swisscom (il y en a eu 8, heureusement que c’est un numéro gratuit). Au bout de deux jours (et deux nuits) d’installation et de transpiration, je retrouve un ordinateur opérationnel.

Si je dois faire un bilan de cette horrible semaine, le voici: j’ai perdu les pédales, les nerfs, des années de vie et de l’argent. Mais je n’ai perdu ni ma vie, ni ma maison, ni mon boulot, ni mon amoureux, ni mes enfants. J’ai appris que ça passe. Et qu’il faut rester calme. Jusqu’à ce que je tape cette phrase et que je constate que le WiFi s’est arrêté (authentique). J’ai éteint et rallumé. Sans appeler Swisscom. Il faut savourer les petites victoires.

Martina Chyba

Le sentiment dʼêtre nu

Pourquoi sommes-nous «en mode panique», lorsque nos appareils de communication ne fonctionnent pas? «Aujourd’hui, un smartphone n’est pas juste une petite machine, répond le professeur Laurenz Meier, professeur en psychologie et organisation du travail à l’Université de Neuchâtel, c’est un appareil qui nous aide à atteindre d’innombrables objectifs, privés et professionnels, c’est notre téléphone mais aussi notre ordinateur, notre calendrier, notre carnet d’adresses (nous ne connaissons plus les numéros des gens), notre appareil photo, notre album, notre horaire de bus, notre moyen d’effectuer des réservations, notre GPS, notre journal, notre scanner de QR code, et cela devient aussi notre porte-monnaie. A l’époque, nous avions de nombreux objets pour tout cela et si vous les mettiez tous dans un sac et que vous perdiez le sac, vous étiez aussi dans un stress immense. Là, tout est concentré en un objet, dont nous sommes évidemment dépendants.» 

Le stress technologique, également appelé le «technostress» est produit par un sentiment d’être nu, perdu. «Je compare cela à la voiture, reprend Laurenz Meier. Lorsque votre voiture tombe en panne, vous ne parviendrez pas à la réparer, parce que vous n’y connaissez rien. Et vous ne pouvez pas vous déplacer comme vous le souhaitiez. Le stress technologique n’est pas un stress spécifique, un problème est que nous estimons que nous devons être atteints tout le temps et que nous devons répondre à tout le monde dans la seconde. Il faudrait avoir des moments clairement établis où nous ne répondons pas aux mails, par exemple le soir. Nous serons ensuite moins angoissés si nous perdons une connexion quelques heures.»

En cas de panne, de manque de batterie, de perte d’ordinateur ou de smartphone, comment réagir pour éviter l’attaque de panique? Le professeur Meier propose plusieurs pistes: «1. Faire des back-up réguliers de son ordinateur et très réguliers de son téléphone, moi j’en fais quasi tous les jours. 2. Accepter le fait qu’on est stressé. Et se dire que le monde va continuer à tourner. 3. Essayer d’agir sur l’émotion, se calmer, respirer, méditer, boire un café, aller faire du sport, mettre l’événement un peu à distance. Nous avons eu une cyber attaque à l’Université de Neuchâtel, je ne pouvais pas donner mes cours, nous étions déconnectés de tout. Je suis allé faire du vélo, car je ne pouvais rien faire que d’attendre! 4. Chercher des solutions. Une fois calmé, on retrouve sa lucidité pour réfléchir: appeler de l’aide, faire réparer, acheter un nouvel appareil, etc.»

Dernière question: lorsque l’on doit installer des programmes, utiliser un logiciel, modifier des paramètres, faut-il déléguer à un spécialiste ou essayer de se dépatouiller seul? «C’est important d’essayer. Au moins les fonctions basiques. Cela apporte beaucoup de satisfaction de s’en sortir soi-même, et on apprivoise un peu la technologie. Ma mère de 77 ans a participé à des ateliers, elle gère ses photos, utilise Twint et je crois qu’elle est assez fière de ça!» (M. C.)

 

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