Etes-vous largué numériquement?

Faire ses paiements avec un QR code, annoncer un changement d’adresse, envoyer un paquet à l’étranger, prendre rendez-vous pour se faire vacciner, les démarches les plus courantes passent de plus en plus par quelques clics en ligne. Renforcée par la crise sanitaire liée au Covid-19, cette dématérialisation est censée faciliter la vie professionnelle et privée. Or, pour qui n’a pas d’ordinateur ou de smartphone, l’évolution technologique creuse un fossé: la fracture numérique. 

En Suisse, bien plus de personnes que l’on pense sont confrontées à cet obstacle. A l’occasion des récentes Journées suisses du digital 2022, la Fédération suisse Lire et Ecrire (FSLE) rappelle que «20% de la population ne possède que des connaissances de bases restreintes, voire aucunes connaissances, dans ce domaine». Ce constat, qui repose sur une enquête de l’Office fédéral de la statistique (OFS), débouche sur une mise en garde: «Dans ce contexte de transition numérique, les adultes qui ont des compétences numériques insuffisantes sont davantage menacés d’exclusion sociale et économique.» En clair, une part non négligeable de la population n’a pas l’aptitude à utiliser des applications et des programmes sur différents appareils (ordinateur, écran tactile, smartphone, automate à billets, etc.) pour consulter, modifier et créer des contenus.

Dans un pays comme le nôtre, le décrochage est assuré. Comme le souligne la FSLE: «L’accès aux services publics et privés est toujours plus difficile pour les personnes concernées.» Rappelons que, en 2019, l’administration publique a, elle aussi, adopté la devise «Digital first», soit «la priorisation de l’accès numérique aux informations et aux services de la Confédération, des cantons et des communes.»

Seniors toujours plus en phase

Contrairement à une idée reçue, le profil de l’exclusion n’est pas avant tout liée à l’âge. De plus en plus de retraités pénètrent dans le monde numérique, affirme Pro Senectute. Les résultats de son étude «Digital Senior 2020» révèlent que 74% des personnes âgées de 65 ans et plus utilisent Internet, ce qui représente un véritable bond par rapport aux 38% de 2009, année de la première enquête. Ils montrent également que, depuis la deuxième enquête, en 2014, l’utilisation de Internet par des moyens mobiles (téléphones portables ou tablettes) est passée de 31% à 68%. C’est désormais aux alentours de 80 ans qu’est située la fracture numérique, ce qui ne signifie pas non plus que tous les octogénaires figurent au rang des largués. De loin pas. 

Loin de se limiter à un facteur générationnel, le manque de compétences numériques, en général, s’observe en réalité à tout âge: «Il y a parfois un malentendu concernant la jeunesse, remarque Silvia Hyka, secrétaire générale de la FSLE. Elle n’est pas aussi performante que l’on pense.» 

Le fait d’être branché en permanence sur les réseaux sociaux, ou sur Internet à des fins récréatives, n’est pas synonyme d’aisance informatique ou numérique. Bon nombre de jeunes sont démunis quand il s’agit de créer un document PDF, par exemple, ou d’évoluer dans les services administratifs en ligne. Un état de fait qui permet de mieux comprendre où la FLSE situe la ligne de faille: «Les personnes sans formation post-obligatoire, une situation qui concerne rappelons-le près de 700'000 adultes dans notre pays, ont beaucoup moins de chance d’avoir accès aux technologies de l’information que la majorité de la population. Elles sont les principales personnes concernées par le fossé digital en Suisse. Avec l’évolution technologique et des infrastructures, la situation financière n’est clairement plus un facteur aussi déterminant qu’il y a quelques années.» 

Handicapant, le décrochage numérique n’est toutefois pas une fatalité. LA FLSE incite ces personnes à suivre des cours de formation et de sensibilisation. Elle le fait notamment savoir à travers la campagne «Simplement mieux!» soutenue par 16 cantons, des associations, des faîtières professionnelles et la Confédération. Son but? L’accès aux compétences de base telles que la lecture, l’écriture, le calcul. Et le numérique.

Nicolas  Verdan

Testez vos compétences!

Le numérique accompagne désormais la plupart de nos faits et gestes. Vous êtes-vous déjà demandé si vous étiez à la page? Voici les connaissances de base que vous devriez connaître dans ces sept domaines.

1. Utilisation d’un appareil
Savez-vous utiliser un ordinateur ou un smartphone, maîtrisez-vous leur connexion, y compris en dehors de la maison ou du lieu de travail?
 
2. Installation de logiciels
Savez-vous installer des logiciels ou des applications? 

3. Bureautique
Etes-vous en mesure d’utiliser un traitement de texte, de copier ou de déplacer des fichiers ou des dossiers et de les transférer entre appareils?

4. Usage privé d’Internet
Savez-vous envoyer ou recevoir un e-mail , utiliser une messagerie type Whats-App, Messenger et  rechercher des informations sur des biens ou services? Etes-vous capable également de lire les nouvelles, journaux ou magazines, de prendre rendez-vous chez un médecin via le site de l’hôpital ou du cabinet, mais aussi de téléphoner ou de faire des vidéoconférences, de participer à un réseau social, d’utiliser des services en relation avec des voyages ou des hébergements ? Suivre un cours en ligne et utiliser du matériel d’apprentissage? Vous abonner ou vous désabonner à des sites?

5. Relations en ligne avec l’administration publique
Savez-vous rechercher les bons interlocuteurs et trouver les adresses de services, parvenez-vous à télécharger et à remplir des formulaires sur les sites des institutions publiques?

6. E-commerce et e-banking
Les achats en ligne sont-ils à votre portée? Autrement dit, êtes-vous en mesure de faire des opérations de paiement en ligne, des virements de compte à compte ? Maîtrisez-vous TWINT et savez-vous consulter votre compte en ligne?

7. Sécurité
Parvenez-vous à installer un logiciel de sécurité informatique, à maîtriser la gestion des identifiants et mots de passe et savez-vous repérer des spams ou 
autres messages frauduleux (phishing)?

>> Lien utile: www.simplement-mieux.ch/

La fracture numérique, c’est quoi?

Au sens «strict», la fracture numérique désigne les inégalités d’accès à Internet. D’après l’Union internationale des télécommunications (UIT), un tiers de la population mondiale n’a encore jamais utilisé Internet. A l’origine du terme, on trouve l’expression «Digital Divide», utilisée par le vice-président étasunien Al Gore en 1996, affirmant l’objectif de son administration «de faire en sorte que nos enfants ne soient jamais séparés par une fracture numérique (digital divide)».