Martina Chyba: «J'ai testé pour vous... la préparation à la retraite»

Pas si simple de se plonger dans les chiffres et le vocabulaire spécifique à la retraite... © DR

Martina Chyba s'attaque au dossier épineux de la préparation à la retraite. Récit.

Bon, je suis cernée. Tout le monde vous dit et vous répète qu’à partir de 50 ans, il faut s’occuper de sa retraite, faire le point sur sa future rente prévisible, sur sa fortune (haha... ce mot), que si vous n’avez pas cotisé à un troisième pilier depuis l’âge de 25 ans vous n’y arriverez pas, aaargh! Même le magazine de Coop dans la boîte aux lettres, consacré à la prévoyance professionnelle, me nargue, mais au secours.

J’ai 57 ans. Je suis fille d’un assureur, donc ces sujets techniques ne me font pas peur. J’ai aussi, en trente ans de journalisme, consacré environ 12'548 reportages (au moins!) aux assurances en tous genres. Mais, pour ce qui est de ma propre prévoyance professionnelle, je préférais rester confortablement dans le déni.

Jargon

Là, il est temps, je crois, de me pencher sur ces questions, même si ça fait un peu mal aux articulations quand on se penche trop. Et au moral aussi. Donc, rendez-vous avec un conseiller de la caisse de pension, mon certificat d’assurance est devant moi, avec plein de chiffres dessus. Déjà, il s’agit de comprendre les mots qui ne sont pas des chiffres. «Salaire annuel», ça va, c’est à ma portée. Mais «montant de coordination», «salaire cotisant dans le plan de base», «avoir de retraite disponible dans le plan de base», «bonification annuelle», est-ce qu’on peut reprendre depuis le début s’il vous plaît? Et pourquoi la «prestation de sortie» est-elle différente de l’«avoir de retraite disponible dans le plan de base»? Parce qu’il faut ajouter les «avoirs complémentaires». OK, OK, OK, j’essaie de suivre, mon interlocuteur me parle gentiment et, en articulant lentement, j’avoue que j’ai l’impression d’être un peu bobette. Je comprends néanmoins que le chiffre important c’est la prestation de sortie et que je peux envisager cette fameuse sortie à partir de 58 ans.

Ensuite, ça se corse. Il y a deux colonnes pour ma future rente. Celle avec les prestations de retraite prévisibles avec un taux d’intérêt projeté de 2% et celle avec un taux d’intérêt projeté de 1%. Ils sont malins, sur les deux, ils précisent bien «sans garantie ». Je regarde les chiffres et compare la situation si je sors à 60, 61, 62, 63, 64 et, désormais, à 65 ans. Je sens une goutte de sueur glacée couler sur ma nuque. Pardon euh… mais il ne manque pas un zéro quelque part? Sérieusement, je ne vais toucher que ça, après quasi quarante ans de travail à plein temps? «Vous devez ajouter le montant de l’AVS à partir de 65 ans, si vous avez droit à une rente pleine cela représente 2370 francs par mois.» Ouh… mais c’est la fête! Au rythme où ça va, 2370 francs, ce sera probablement bientôt ma prime mensuelle d’assurance maladie. Et si je prends une préretraite, il n’y a pas l’AVS? «Non, mais une rente transitoire qui compense et que vous remboursez à coups de 234 francs par mois après.» 

Infusion

Il demande benoîtement: «Avez-vous un troisième pilier?» Oui j’en ai un, cela ne suffira pas pour aller faire la fête du slip aux Bahamas mais, disons, que ça permettra peut-être d’acheter des courgettes bio (j’ai payé deux courgettes 7 francs, l’autre jour, ça m’a marquée, c’est pour ça).

Le conseiller me précise qu’on peut aussi prendre tous ses sous d’un coup, au lieu de la rente à vie, ça s’appelle «retirer son capital». Mon père disait que, quand on était en couple, il fallait que l’un prenne la rente et l’autre le capital, ceinture et bretelles, sécurité et argent liquide. Mais, à l’époque la vie était simple. Moi, je suis divorcée, en couple avec un Français, vivant entre deux pays, et je n’ose même pas imaginer le bordel que ça va être.

Je vais faire un tour sur le site de l’AVS, juste pour voir. Il y a des formulaires et des calculateurs avec des tas de mots techniques, gloups. Sur inforegistre, je vois apparaître une liste de caisses de pension auxquelles j’ai cotisé, ah oui c’est vrai, j’ai enseigné pendant un an, j’ai écrit des chroniques dix ans pour ce journal, j’ai bossé là. Je demande un compte individuel et je boucle le truc. La préparation à la retraite, c’est bien à petites doses. On va laisser infuser et reprendre le dossier la tête froide.

Et, à propos d’infuser, j’ai la bouche un peu sèche. J’hésite à boire direct un verre d’arsenic. Cela aurait le mérite de résoudre le problème. Et puis, d’un coup, j’ai honte de me plaindre. J’aurai de quoi vivre correctement et ce n’est pas le cas de tout le monde. Je décide donc de boire plutôt un gingembre chaud au miel, c’est anti-inflammatoire et bon pour le système immunitaire. Finalement, j’ai l’intention de vivre très vieille, héhé.

Martina Chyba

S'informer le plus tôt possible

«Le conseil numéro 1, le plus important, c’est de s’intéresser à sa prévoyance professionnelle le plus tôt possible, dès le début de sa vie professionnelle en fait, explique Alexandra Caliman, planificatrice financière à Credit Suisse, il y a des choses à connaître, notamment en matière de rachat dans sa caisse de pension ou de l’impact d’un retrait pour l’achat de résidence principale. Et, à partir de 50 ans, il faut impérativement faire un véritable point de la situation. A cet âge-là, on peut encore agir concrètement. Le piège à éviter, c’est ne rien faire et découvrir sa situation trop tard.» 

La première chose est de savoir décrypter son certificat de caisse de pension, évaluer quelles seront les rentes prévisibles, le taux d’intérêt et le taux de conversion appliqué. «Il faut se renseigner sur les deux premiers piliers, poursuit Alexandra Caliman. Pour l’AVS, il y a deux critères pour bénéficier d’une rente pleine: il faut avoir cotisé pendant 44 ans et avoir gagné en moyenne 86'040 francs par an, en prenant en considération un facteur de réévaluation défini.» Chaque citoyen peut trouver des informations sur le montant de sa rente sur le site internet de l’AVS: www.ahv-iv.ch/fr/. Pour ce qui est du deuxième pilier, les caisses de pension assureront une rente à la retraite. Cependant, dans les faits, plus le salaire annuel est élevé, plus le pourcentage de la rente sera faible. Par exemple, avec un salaire de 100K, la rente sera d’environ 25% de son dernier salaire et, ajouté à la rente du 1er pilier, on obtiendra environ 60% de son revenu. Avec un salaire de 150K, la rente du 2e pilier sera d’environ 20% et, ajouté à la rente du 1er pilier, on n’atteindra que 40%. Heureusement, la plupart des caisses de pension offrent des prestations supérieures au minimum légal.

Avec ces deux piliers, le retraité devrait pouvoir faire face à ses frais de fonctionnement. Afin de s’en assurer, il est nécessaire de calculer un budget de ses dépenses à la retraite. «Lors de l’établissement d’une planification financière, nous demandons à tous nos clients de le faire à l’aide d’un formulaire spécifique, insiste la spécialiste, c’est essentiel. De combien ai-je besoin pour vivre? C’est très personnel. Il faut également aborder la question des impôts. On croit qu’ils vont fortement diminuer, mais la baisse est souvent moins importante qu’espéré, car les rentes sont imposées comme du revenu et certaines déductions disparaissent.» 

Couvrir les frais fixes

Il faut également savoir qu’une préretraite coûte cher. «Car la rente proposée par la caisse de pension sera beaucoup plus basse et, en plus, jusqu’à 65 ans, il faut continuer de cotiser à l’AVS de manière volontaire si le conjoint n’exerce pas une activité lucrative», précise Alexandra Caliman. Il est donc important d’avoir les reins solides pour se permettre d’arrêter son activité professionnelle de manière anticipée. Et retirer son deuxième pilier en capital, une bonne idée? «Il faut étudier sa situation familiale et financière, son état de santé, sa fortune. Et, quand on retire le capital, on doit gérer soi-même ses liquidités, il faut s’en sentir capable. Mon conseil est, d’une manière générale, de prendre une rente qui permet de couvrir les frais fixes et de sortir du capital s’il y a du surplus. Mais une analyse personnelle est nécessaire.

Enfin, tous les experts s’accordent sur la recommandation d’ouvrir un troisième pilier, auprès d’une banque ou une assurance, le plus tôt possible. «Mais il n’est jamais trop tard, conclut Alexandra Caliman, un de mes clients vient de le faire à 60 ans, c’est vraiment conseillé pour compléter le revenu de retraite.»

M. C.

 

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