Des obligations vertes pour booster la transition énergétique

Les énergies renouvelables ont le vent en poupe, en particulier depuis les crises du covid et en Ukraine. © iStock

Les capacités d’énergie solaire vont tripler d’ici à 2027. Face à la croissance attendue des énergies renouvelables, les «green bonds» apportent une première réponse. Décryptage de cet outil financier.

 

Attention, ça va décoiffer. La transition énergétique a le vent en poupe. Telle la conclusion du dernier rapport de l’Agence internationale de l’énergie (AIE), qui a revu fortement à la hausse ses perspectives de croissance pour les énergies renouvelables. Selon l’agence, la capacité mondiale d’énergie renouvelable augmentera de 2400 gigawatts entre 2022 et 2027, soit plus qu’au cours des 30 dernières années. A ce rythme, les énergies vertes deviendront la première source de production mondiale d’électricité d’ici à 2025, surpassant ainsi les centrales à charbon. 

Le principal facteur à l’origine de ces nouvelles perspectives est à chercher du côté des récentes crises, le covid, tout d’abord, qui a quelque peu réveillé les consciences écologiques, mais surtout le conflit en Ukraine. Celui-ci a entraîné une flambée des prix des combustibles fossiles et a conduit «de nombreux pays à renforcer les politiques d’accompagnement en faveur des énergies renouvelables», et à diversifier les chaînes d’approvisionnement au titre de la sécurité énergétique.

La Chine en tête

La majorité des investissements est attendue de la Chine, qui doit installer «près de la moitié des nouvelles capacités renouvelables escomptées, ces cinq prochaines années», indique l’AIE. Les Etats-Unis contribueront aussi largement à ce développement. Sous l’impulsion du paquet climatique historique de 369 milliards de dollars voté en 2022, le pays de l’oncle Sam devrait voir le niveau de nouvelles capacités de production solaire et éolienne doubler d’ici à 2027. Une croissance très rapide est également attendue dans d’autres pays, comme en Inde. 

Parmi toutes les sources d’énergies, le solaire devrait connaître la plus forte expansion avec une capacité qui va tripler d’ici à 2027, alors que celle de l’énergie éolienne va presque doubler.

Malgré des coûts d’investissement actuellement plus élevés en raison de la hausse des prix des matières premières, le solaire reste l’option la moins onéreuse pour la production d’électricité dans une majorité de pays. Au total, 1500 gigawatts de capacité photovoltaïque devraient être construits au cours de cette période sous revue.

Rapport détaillé

Et alors, pour financer tout cela, me direz-vous? Les obligations vertes pourraient constituer une réponse. Ces «green bonds», comme on les appelle dans la langue de Shakespeare, sont des titres à revenu fixe émis par les Etats, les entités publiques, les organisations internationales et les entreprises, afin de financer les projets qui bénéficient à l’environnement.

Telle est la définition proposée par l’International Capital Market Association (ICMA), dont le siège se trouve à Zurich. Les Green Bond Principles proposés par cette dernière demandent qu’un rapport détaillé soit publié annuellement par l’émetteur de chaque obligation verte pour rendre compte de la nature et de l’avancement des projets écologiques associés.

La première obligation verte a été émise en 2007 par la Banque européenne d’investissement, l’organisme de prêt de l’Union européenne. La croissance a d’abord été lente, mais, depuis 2015, stimulé par la signature de l’Accord de Paris sur le climat et l’adoption des Objectifs de développement durable de l’ONU, le marché global a augmenté en moyenne de 60% par an pour grimper à quelque 600 milliards d’euros, l’an dernier, selon l’agence Bloomberg. 

La Confédération se lance

En Suisse, la part des obligations vertes dans le Swiss Bond Index a également grimpé de 2% à 3,4% en douze mois. L’an dernier, 17 nouveaux émetteurs ont été accueillis sur le marché, les banques et l’immobilier étant à ce jour les plus actifs avec cet outil financier. Parmi ces nouveaux arrivants figure la Confédération helvétique avec un franc succès: son obligation verte a atteint un volume d’émission de plus d’un milliard de francs. Notons que plus des deux tiers des fonds levés sont affectés au secteur de l’énergie et du bâtiment, estime l’organisation Climate Bonds Initiative. Cette progression rapide devrait se poursuivre, car les plans climatiques, aussi bien étatiques que des entreprises, se multiplient et que les besoins, à l’échelle de la planète, sont gigantesques, comme en témoigne le rapport de l’Agence internationale de l’énergie.

L’ICMA définit des bonnes pratiques à respecter, mais ce ne sont que des principes volontaires. Il n’existe pas de standards internationaux obligatoires. Ainsi, un émetteur peut fixer ses propres règles et c’est à l’acheteur de faire son analyse.

Vérifier la notation de l’émetteur

Pour un investisseur, outre son caractère durable, le principal atout de cet instrument financier est de bénéficier d’un revenu fixe offert par l’obligation. Si on compare les rendements des «green bonds» avec ceux des emprunts traditionnels, ils sont pratiquement identiques. Un bon exemple est l’obligation verte émise par l’Allemagne en 2020, de même durée que son équivalent traditionnel émis en même temps: l’écart de rendement entre les deux obligations est inférieur à 0,1%. Le «greenium», comme on appelle cet écart dans le jargon, reste globalement modéré. 

Il est possible d’acheter les «green bonds», via sa banque, soit directement des emprunts à l’émission ou sur le marché soit indirectement par le biais de fonds de placement dédiés. Selon l’émetteur, ces obligations se négocient par tranche minimale de 1000 francs ou davantage. Comme pour toute autre obligation, il ne faut jamais oublier de vérifier la notation de l’émetteur, qui détermine sa capacité d’honorer ses engagements. Une bonne liquidité est aussi indispensable. L’investisseur doit se rendre compte que plus la maturité de l’obligation est grande, plus son prix sera sensible aux variations des taux d’intérêt (si les taux montent, les cours des obligations baissent et vice versa).

En conclusion, l’intérêt combiné des investisseurs et des émetteurs privés et publics de ces obligations vertes offrent, aujourd’hui, mais encore plus demain, une réponse à la transition énergétique, notamment pour le basculement vers une économie bas carbone.  

Bon à savoir

 ➤ Green bond, obligation verte, obligation environnementale, emprunt vert: voici les différents termes utilisés pour le même outil financier. 

 ➤ Le capital reçu doit être explicitement utilisé pour financer des projets écologiquement durables. 

 ➤ L’écart de rendement entre une obligation verte et une obligation traditionnelle est modéré.

Références

BCVs Valais – Tania Glassey, responsable ESG Asset Management et Advisory. Tél. 058 324 62 68. tania.glassey@bcvs.ch
BCN Neuchâtel – Sandra Hegetschweiler, conseillère en planification financière. Tél. 032 723 63 10, sandra.hegetschweiler@bcn.ch
BCF Fribourg – Julien Yerly, responsable analyse financière. Tél. 026 350 74 78, julien-yerly@bcf.ch
BCV Vaud – Paul-Antoine Darbellay, responsable solutions patrimoniales. Tél. 0844 228 228, paul-antoine.darbellay@bcv.ch

Marie-Laure Chapatte,
responsable RSE à la Banque Cantonale Neuchâteloise

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