Le viager, une solution de plus en plus appréciée des seniors

Le viager semble être une solution dans laquelle vendeur et acheteur trouvent leur compte. © iStock

Toujours davantage de retraités romands se résolvent à signer un tel contrat immobilier, qui leur permet de vendre leur bien, tout en conservant sa jouissance. Gros plan sur un phénomène grandissant.

 

Ces propriétaires-là ont vendu leur maison ou leur appartement, mais continuent à y habiter, presque comme si de rien n’était. Les apparences sont toutefois trompeuses, car une vente en viager peut vraiment changer la vie des retraités. Ce contrat immobilier bien spécifique permet, en effet, au détenteur d’un logement de le vendre tout en continuant à conserver gratuitement sa jouissance jusqu’à ce qu’il doive en sortir — à son décès ou pour s’installer dans un EMS. «Le viager est une solution sociétale qui sécurise la retraite et offre une réponse personnalisable qui se calque sur les besoins, souligne Christophe Andrié, agent immobilier chez Bien en Viager, leader sur le marché suisse, dont il est l’un des acteurs depuis 2016. Si l’on prend l’exemple d’un couple, celui-ci peut notamment choisir s’il veut que le conjoint survivant continue à habiter le logement après le décès de l’autre ou s’il préfère le quitter. Il est donc important de bien réfléchir et de faire appel à un expert, car c’est un domaine assez complexe.»

François Normand, CEO de Viage SA, unique fonds suisse immobilier dédié au viager, abonde: «Le viager représente désormais un besoin sociétal, une manière de financer différemment sa retraite.» L’intérêt qu’il suscite auprès des seniors semble leur donner raison. Chez Viage SA, on évoque deux à trois demandes journalières, alors que chez Bien en Viager, les ventes en Suisse romande augmentent chaque année d’environ 20%, soit trois ou quatre transactions par mois. «C’est un marché dont le potentiel est énorme, étant donné que près de 40% des baby-boomers sont propriétaires», estime Christophe Andrié.

Engouement sans précédent 

Pourquoi le viager connaît-il, aujourd’hui, pareil engouement auprès des retraités? Les spécialistes répondent à cette question en listant les trois profils qui y ont recours. D’une part, il y a les personnes qui souhaitent anticiper une succession qu’elles estiment délicate, car il est plus facile de partager des billets que des murs. «En plus, avec du liquide, on peut faire des donations de son vivant», note François Normand. D’autre part, on retrouve celles qui veulent agrémenter leurs revenus, par exemple pour voyager ou se faire d’autres petits plaisirs. Enfin, il peut s’agir d’un moyen de lutter contre un coût de la vie qui ne cesse d’augmenter, alors que les rentes ne suivent pas. «C’est une façon de pouvoir rester chez soi, quand bien même la banque ne reconduirait pas le crédit hypothécaire, parce que les revenus, une fois atteint l’âge de la retraite, ne suffisent pas», poursuit François Normand. D’après Christophe Andrié, «le viager est une bonne solution pour la plupart des retraités qui sont propriétaires, mais il est une évidence pour ceux qui n’ont pas de descendance… Plutôt que de laisser dormir ce capital, autant en profiter de son vivant.» Que se passe-t-il s’il y a des héritiers? Ils touchent tout simplement le montant qui reste au moment de la succession.

Inspiré du modèle français

Après la signature du contrat, le vendeur reçoit effectivement de l’argent de l’acheteur, que ce soit sous la forme d’un versement unique, appelé «bouquet», ou d’un versement initial et d’une rente (lire ci-dessous). Bien qu’il conserve l’usage de son logement, le vendeur n’est alors plus concerné par l’assurance bâtiment ou incendie, ni même par un chauffage qui aurait décidé de lâcher, l’ensemble de ces frais incombant au nouveau propriétaire. 

Autant de (bonnes) raisons qui expliquent que le viager commence à se faire un nom en Suisse. «Le modèle helvétique s’inspire de ce que l’on trouve en France, où la vente en viager est nettement plus populaire, mais connaît toutefois quelques différences, explique Christophe Andrié. Dans l’Hexagone, les personnes qui arrivent à la retraite n’ont plus d’hypothèque et ne doivent pas s’acquitter d’un impôt sur le gain immobilier. En Suisse, les vendeurs prennent quasiment toujours une part de leur argent sous forme de «bouquet», capital immédiat, afin de solder l’hypothèque et payer les impôts, ce qui n’est pas nécessaire en France. Dès que ces paiements ont été effectués, cela leur permet de faire des économies.»  

L’acheteur y trouve son compte

Quel est, dans tout cela, l’intérêt de l’acheteur, qui ne sait jamais à l’avance quand il pourra disposer du bien acheté, comme l’a appris à ses dépens le notaire de Jeanne Calment, jadis doyenne des Français, qui avait signé avec elle un contrat en viager, mais est décédé bien avant cette dernière? «Réaliser un investissement éthique qui aide les aînés, préparer son propre avenir ou acquérir des biens pour ses enfants, par exemple, énumère Christophe Andrié. Nous travaillons aussi avec des fonds d’investissement family offices ou caisses de pensions, qui ont de l’argent à placer. Investir dans un bien immobilier en viager rapporte plus qu’un troisième pilier et permet aussi de faire des économies au niveau des impôts.» 

Le tout nouveau fonds Viager Swiss SCmPC, représenté par Viage, né en début d’année, est pour sa part exclusivement réservé aux institutionnels (caisses de pensions, assurances…). «Cette dimension collective, et non de particulier à particulier, évite de miser sur une maison précise, comme c’est généralement le cas, souligne François Normand. En plus, étant donné que nous sommes contrôlés par l’Autorité suisse de surveillance, nous devons offrir une protection maximale aux seniors. C’est d’ailleurs un expert indépendant et certifié qui procède à l’expertise du bien, et nous nous alignons systématiquement sur le prix qu’il fixe. Enfin, il y a, une fois par année, un «suivi de bienveillance», qui permet de voir s’il y a des travaux à effectuer ou des coups de main à donner, notamment en matière de jardinage.» Le viager semble donc être une solution dans laquelle tout le monde trouve son compte. 

Frédéric Rein

Versement unique ou combiné à une rente, que choisir?

Lorsqu’on signe un contrat de vente en viager, les deux parties doivent se mettre d’accord sur la forme que prendra le capital dont l’acheteur doit s’acquitter: versement unique (le «bouquet») ou versement initial suivi de rentes? «Chez nous, une rente minimale de 500 francs est obligatoire, car n’avoir qu’un versement unique, c’est le risque de tout dilapider rapidement», explique François Normand, CEO de Viage SA. Si, dans les deux cas, on s’affranchit des charges hypothécaires, de la dette et des inquiétudes face à la hausse des taux, prendre une rente permet notamment de s’assurer un revenu pour le reste de sa vie, mais aussi d’avoir une imposition unique en tant que revenu sur 40% de la rente — ce chiffre devrait baisser à 1%, car une nouvelle loi vient d’être votée.

Opter pour un versement unique (le «bouquet»), en revanche, permet d’avoir un capital disponible immédiatement, de ne pas avoir d’imposition sur le revenu, juste sur la fortune, ainsi que de pouvoir transmettre un capital à ses héritiers. Il est donc très important de bien réfléchir à ses besoins, car cette décision est, ensuite, irrévocable.  (F.R.)

Témoignages

«Cela me permet d’améliorer mon quotidien»


Viveca Ott, 74 ans, Genève. © Yves Leresche

Il y a dix ans, déjà, Viveca Ott se renseignait sur la vente en viager, pratique dont elle connaissait l’existence en France. Alors âgée de 64 ans, elle était encore trop jeune pour intéresser d’éventuels acheteurs! Ce n’était que partie remise, car elle a signé un contrat en décembre dernier. «J’aurais dû prolonger l’une de mes hypothèques cette année, explique-t-elle, soulagée. Avec l’augmentation des taux d’intérêt, la facture aurait certainement beaucoup grimpé. Je dispose d’une bonne retraite après une carrière dans la communication, mais entre les impôts, les assurances et les autres charges, j’étais quand même un peu serrée, d’autant que je ne disposais pas de réserves financières. Maintenant, je n’ai plus cette angoisse liée à mes hypothèques et, en plus, j’ai aussi moins de charges mensuelles à payer pour mon logement. J’ai opté pour un versement unique, ce qui me permet d’améliorer mon quotidien et d’avoir un petit coussin financier en cas de coup dur, par exemple si je devais m’équiper d’un appareil auditif. C’est très sécurisant. »

Pour fêter la signature de son contrat, elle a déjà prévu un voyage à Madagascar et la réfection de sa cuisine. «C’est maintenant, alors que je suis encore en forme, que je peux pleinement profiter de cet argent», précise-t-elle. Célibataire, sans enfant, Viveca Ott voit dans le viager la solution idéale: «Cela simplifiera aussi la vie de mes proches quand ils devront liquider mes affaires. Il n’y a vraiment que des avantages.» D’ailleurs, comment son entourage a-t-il accueilli cette initiative? «Elle a été saluée, moyennant des explications préalables, car beaucoup de personnes ignorent les tenants et les aboutissants d’une vente en viager. C’est d’autant plus vrai en Suisse alémanique, où vivent mes trois sœurs, car c’est encore moins répandu.» (F.R.)

«Cela nous enlève une grosse épine du pied»


Pierre Bertuchez et sa compagne Françoise, 78 ans et 74 ans, Saillon (VS). © Yves Leresche

Pierre Bertuchez est né dans la maison qu’il habite. Reçu en héritage de son père, ce bâtiment de l’usine qui servait à la découpe du marbre de Saillon a été transformé en deux appartements, dont celui du rez-de-chaussée, qu’il occupe actuellement avec sa compagne Françoise. «On ne se voyait pas déménager ailleurs, d’autant plus que nous avons besoin d’espace pour nos passe-temps, comme le jardinage, le bricolage et la poterie, raconte Françoise, qui se fait porte-parole du couple. Nous avons donc pensé, en juillet 2022 à la vente en viager, puis signé le contrat en décembre, les acheteurs étant des gens du village.»

Pourquoi ce choix? «Les frais d’entretien de la maison commençaient à être conséquent pour les deux retraités que nous sommes, répond-elle. En plus, nous n’avons plus l’âge de grimper sur le toit ou de tailler des arbres.» Il faut dire que le couple dispose d’un petit paradis qui comprend, notamment pas mal d’extérieurs. «Cela nous enlève une grosse épine du pied de ne plus devoir nous occuper de tout cela», atteste Françoise.

Le couple a choisi de toucher le montant de la vente sous forme de capital, afin de liquider la dette hypothécaire. «L’argent va nous permettre d’améliorer le quotidien, de changer de voiture quand ce sera nécessaire, de régler des frais médicaux, car Pierre a été très malade, ou encore d’aller de temps en temps au restaurant.» Ils ont aussi fait le nécessaire pour que, le jour où l’un des deux se retrouvera seul, il pourra conserver la jouissance du bien. Pierre n’ayant pas de descendant direct, nous en avons parlé à nos proches, qui ont trouvé notre solution parfaite.» Tout semble le confirmer. (F.R.)

 

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