Suicide assisté: le livre d’un infirmier vaudois

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Infirmier depuis une trentaine d’années dans des hôpitaux et des EMS, le Vaudois Jeremy Recab publie, chez un éditeur français, un essai qui interroge le «modèle» suisse du suicide assisté. Et défend une autre idée de la dignité en fin de vie.
La Suisse a, depuis quelques années, acquis aux yeux de ses voisins européens un attrait nouveau : elle est le seul pays où les non-résidents peuvent bénéficier de l’assistance au suicide. De plus en plus d’Allemands, de Britanniques et de Français franchissent donc nos frontières pour mettre fin à leurs jours. En France, la Suisse est présentée comme une référence en matière de respect de la liberté individuelle. N’appartient-il pas à chacun de décider s’il veut vivre ou mourir ? En quoi cette question concernerait-elle une société, un Etat, s’insurgent les défenseurs français du droit à mourir dans la dignité?
Le livre du Vaudois Jeremy Recab*, infirmier depuis plus de trente ans dans différents EMS et établissements de santé, apporte de nouveaux arguments à ce débat. Et questionne, ce qui en Suisse est devenu un droit acquis: choisir de mettre un terme à sa vie quand celle-ci se met à rimer avec fragilité, souffrances et dépendance. «A force d’entendre parler de la dignité dans la fin de vie sous l’angle du suicide assisté, on finit par avoir l’impression que les personnes malades et dépendantes sont indignes », s’insurge Jeremy Recab. Qui s’inquiète de la promotion de l’autodélivrance. «Cela génère une véritable pression géronticide.»
Et d’évoquer ces personnes qui, à leur arrivée dans un EMS, brandissent leur carte d’Exit pour faire comprendre qu’ils ne se laisseront pas dessaisir de leur dignité et qui, en établissant une relation de confiance avec les équipes, soignantes et non soignantes, oublient leur carte et leurs revendications de mourir vite.
Une autre manière de mourir dignement
C’est en partant de son vécu et du constat qu’un nouvel ordre moral était en train de se mettre en place que Jeremy Recap a pris la plume. «Les mœurs et les valeurs évoluent avec le droit démocratique, mais est-ce là un progrès pour nous? Un droit à mourir dignement, que la médecine nie parfois hélas, n’équivaut pas à un droit au suicide assisté. La pratique du suicide assisté n’est pas un choix personnel, mais un choix de société.»
Avec rigueur et précision, sans idéologie religieuse ni politique, Jeremy Recab rappelle comment la loi sur la fin de vie a évolué et démêle les amalgames entre soins palliatifs, abstention curative, euthanasie passive, suicide assisté, etc. La ligne d’horizon qu’il voudrait opposer au suicide assisté? La promotion de l’information sur les directives anticipées et les soins palliatifs. «Il faut que les gens puissent aussi choisir de mourir “ naturellement ”, dans le respect de leur processus biologique propre. Cela suppose qu’ils rédigent des directives anticipées et les réévaluent régulièrement et qu’ils puissent accéder, y compris à leur domicile, à des soins palliatifs de qualité.»
Son livre constitue, pour Jeremy Recab, une première étape. La suivante est la création de la Fondation Santonomia (Santé-Anticipation-Autonomie) pour promouvoir le droit à vivre jusqu’à la fin dans la dignité et le respect de qui l’on est, quel que soit son état...
Véronique Châtel
*Note de la rédaction: Jeremy Recab est un pseudonyme.
Plus d'infos:
Quelle dignité pour la fin de vie?, Editions Albin Michel