Faut-il supprimer les examens médicaux pour les conducteurs seniors?

"Vieillir ou conduire, il faut choisir" aurait pu être la paraphrase d'un autre dicton... © iStock
Coup de tonnerre: le Bureau de prévention des accidents (BPA) soutient que les contrôles médicaux ne sont pas nécessaires pour évaluer les capacités des aînés au volant. Un avis qui n’est pas partagé par tous. Débat.
Le BPA doute fortement du bien-fondé des contrôles médicaux que doivent passer les seniors qui conduisent. Pourquoi pensez-vous qu’ils n’ont pas l’impact favorable escompté en matière de sécurité?
- Nous venons de mener une étude qui n’a pas permis de mettre en évidence d’effet positif du système qui consiste à faire un examen médical à partir de 70 ans par rapport au nombre d’accidents graves provoqués par des automobilistes âgés. Les autres impacts favorables espérés, telle une incitation des personnes âgées à réfléchir à la question de leur aptitude à la conduite, n’ont pas non plus été constatés.
Pour vous, les ressources à mettre en place sont donc trop importantes par rapport à l’efficacité de ces contrôles…
- De notre point de vue, l’ampleur des démarches ne se justifie en effet guère en l’absence d’efficacité avérée. Y renoncer du jour au lendemain nous paraît, en revanche, précipité. Avant de changer fondamentalement le système, il faudrait examiner si le récent relèvement à 75 ans de l’âge du premier examen de l’aptitude à la conduite a des effets négatifs sur l’accidentalité des automobilistes âgés. Si aucun impact négatif n’est constaté, les ressources investies dans les contrôles relevant de la médecine du trafic pourraient alors être progressivement réduites.
Selon vous, quelles sont, dès lors, les solutions qui permettraient de limiter les accidents causés par les seniors?
- Les examens médicaux pourraient, par exemple, être plus ciblés, dans le sens où seules les personnes dont on soupçonne que l’aptitude à la conduite est compromise devraient s’y soumettre. Il s’agit aussi d’encourager une utilisation systématique et correcte des systèmes d’aide à la conduite destinés à accroître la sécurité. L’instauration de zones 30 est également à encourager. Conduire moins vite réduit notamment la charge mentale, ce qui est bénéfique, en particulier pour les automobilistes âgés.
Pourquoi estimez-vous qu’un examen médical pour les conducteurs seniors reste nécessaire?
- Conduire est une sacrée responsabilité ! Si le relèvement de l’âge de l’examen à 75 ans était évident tant de nombreux seniors sont en pleine forme à 70 ans, il est important qu’il demeure. Il représente une valeur ajoutée, car il permet d’évaluer les aptitudes physiques, mais aussi cognitives, et pas uniquement l’acuité visuelle, comme je l’ai souvent entendu. Conduire ses petits-enfants à l’école, aller faire ses courses nécessite d’être en pleine capacité, pour soi-même comme pour les autres. L’examen médical est un moment de réflexion par rapport à un permis de conduire illimité: «Suis-je en capacité?» Lorsque la réponse est floue, l’évaluation médicale est essentielle. Porter un jugement sur soi-même n’est pas si simple et un avis professionnel neutre est souhaité.
Cet examen est-il toujours adapté aux personnes qui le passent?
- L’examen de la vue, par exemple, ne se base que sur l’acuité visuelle et interroge, à une période de la vie où la cataracte et la dégénérescence maculaire peuvent être présentes. La fonction visuelle, c’est-à-dire celle qui tienne compte de la luminosité (soleil couchant, brouillard…) devrait être la norme. Quant aux examens cognitifs, ils devraient être renforcés. L’examen actuel est succinct, mais reste nécessaire et mérite d’évoluer.
Le BPA propose d’abandonner cet examen médical, non relevant selon lui, et d’adopter d’autres mesures, comme l’augmentation des zones 30, car cela réduit la vitesse et diminue la charge mentale ou le renforcement des systèmes d’aide à la conduite…
- La conduite dans des zones habitées demande des facultés cognitives importantes, tout comme celle sur une route rapide. La réduction de la vitesse n’autorise pas à être moins attentif. Avec le trafic, qui est plus dense, la charge mentale est omniprésente. Quant à la conduite autonome, un aveugle pourra-t-il être, un jour lointain, seul à bord ? Si c’est le cas, l’examen sera alors futile!
Propos recueillis par Frédéric Rein