Faut-il boycotter le Mondial de football au Qatar?

La polémique sur le choix du Qatar pour accueillir la Coupe du monde de foot 2022 fait aussi rage dans les communes romandes au moment de mettre en place des fanzones sur l'espace public. © iStock
Au nom de la défense des droits humains, des villes, à l’instar de Vevey, ont décidé d’interdire les grands rassemblements festifs autour de la Coupe du monde de football au Qatar. Défendable? Deux protagonistes défendent leur point de vue.
Pour Vevey, regarder des matchs aux écrans géants, c’est soutenir le Qatar?
Non, mais mettre à disposition un lieu pour la retransmission de matchs, oui. La Municipalité souhaitant ne pas soutenir l’événement, elle ne mettra pas à disposition de Salle communale, domaine privé communal ou d’espace public pour cet événement.
On a quand même l’impression que vous punissez le public.
Ce n’est pas contre le foot, contre le sport ou contre la Coupe du monde. De plus, il n’y a pas de volonté d’interdiction ou de punition, mais bien de ne pas être associé à cet événement qui viole les droits humains et est une aberration écologique. Les bars, restaurants et autres lieux privés pourront diffuser les matchs.
Vevey ne s’achète-t-elle pas une vertu avec une telle décision qui ne changera rien à l’organisation d’un événement prévu de longue date?
La Municipalité a décidé de ne pas communiquer activement sur cette question, dès lors qu'il n’y a jamais eu de volonté affirmée de s’acheter une vertu. Et ce n’est pas comme si les communes étaient d’une quelconque façon consultées. Il nous reste cependant la possibilité de nous positionner quand nous recevons une demande d’utilisation de l’espace public, et c’est ce que nous avons fait.
A Vevey, Crédit Suisse a pignon sur rue. Le Qatar en est l’un des plus gros actionnaires.
Ce n’est pas le rôle d’une autorité communale de se prononcer sur la question de l’actionnariat d’une banque suisse. Notre rôle est de traiter les entreprises situées sur notre territoire communal équitablement autour de questions de notre compétence, comme la mobilité, par exemple.
Dans ce registre protestataire, ne faudrait-il pas plutôt viser la FIFA et les autres instances du sport?
La commune de Vevey n’est pas en relation avec la FIFA et n’est pas consultée lors de l’organisation de manifestations sportives internationales, sauf si elle se déroule sur son territoire. Le cas échéant, les demandes sont traitées au cas par cas, sans faire de généralités.
Boycotter les fans zones, une bonne idée?
Si j’oublie que je suis footeux et que je me réfère à l’éthique, à la justice et à la lutte contre le réchauffement climatique, je peux comprendre l’idée d’un boycott. En revanche, je ne crois pas que ce soit la bonne méthode. C’est même carrément hypocrite. Je n’accepte pas que l’on prenne le football en otage au nom d’une juste cause, que ce soit celle des droits humains ou celle de l’écologie.
Qu’est-ce qui vous dérange en particulier?
Quand c’est fait de manière arbitraire, pour une compétition sportive. On n’a pas fait tout ce cirque pour les Jeux olympiques de Pékin ou de Sotchi et les Suisses étaient contents de leurs médailles. Je voudrais aussi rappeler que le Secrétariat d’Etat à l’économie (Seco) vient d’autoriser la vente de munitions destinés aux canons de bord des avions du Qatar pour un total de 117 millions d’euros. Va-t-on punir les gens qui se rendent en touristes à Dubaï ? Et puis, on n’achète plus de vêtements ou d’objets fabriqués en Chine? Non, au final, on punit les Suisses qui aimeraient voir leur équipe et faire la fête sur une place publique. J’ai l’impression qu’on s’achète une bonne conscience.
Oui, mais quoi?
Eh bien, qu’on profite d’un tel événement pour sensibiliser le public aux droits humains, par exemple. La Coupe du monde a été déjà été attribuée. Il aurait fallu que toute la communauté du football s’interroge avant son organisation par le Qatar. Maintenant que cet événement, qui permet de réunir tant de monde, va avoir lieu, on peut tout à fait imaginer des campagnes de sensibilisations ou des gestes symboliques. Les gens au Qatar sont sensibles à leur image. Et les joueurs ne sont pas insensibles aux droits humains et à l’écologie. On doit séparer les protestations de l’événement sportif en tant que tel. Punir les fans de foot à Vevey, Lausanne ou ailleurs, ce n’est pas juste.
Ce climat délétère peut-il peser sur le moral de l’équipe?
Non, je ne pense pas. Cela ne pèsera pas sur la question du jeu ou des performances.
Propos recueillis par Nicolas Verdan