Icône de la pop, Petula Clark est toujours au top

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La « Shirley Temple britannique », comme on la surnommait dans les années 1940, quand elle chantait devant les troupes anglaises, a résisté au passage du temps et des modes. A 87 ans, elle était encore sur scène, à Londres, quand le confinement l’a ramenée à Genève.

Pandémie oblige, c’est par téléphone que l’on joint cette grande dame de la pop, Petula Clark, dans son appartement à la lisière de Genève. Surprise : à l’entendre, elle ne fait pas ses 87 ans, loin de là. Sa voix est claire, lumineuse… Diablement enjouée, même, avec le rire facile. « Le confinement aura au moins eu une bonne chose, s’esclaffe-t-elle avec son accent chantant britannique : faire de moi une cuisinière passable ! Les petits plats, ça n’a jamais été mon fort, mais, depuis que je suis forcée de m’en occuper moi-même, je fais des progrès. L’autre soir, j’ai fait un rôti de poulet, avec ail, citron et légumes : c’était pas mal du tout ! »

On avait un peu perdu la trace de cette star aux 68 millions d’albums vendus. Le succès, elle le rencontre à 9 ans déjà, dans sa patrie natale, chantant devant les troupes anglaises au début de la Seconde Guerre mondiale, ce qui lui vaudra le surnom de « Shirley Temple britannique ». Elle devient ensuite célèbre en France (et dans le reste de l’Europe) à la fin des années 1950, notamment avec des titres comme La gadoue ou Chariot, puis explose aux Etats-Unis en 1964 avec Downtown, un hit mondial.

 

Des courtisans célèbres

Elle est aujourd’hui de retour sur le devant de la scène avec un double CD magnifique, celui de son spectacle donné le 14 février 1974 au mythique Royal Albert Hall de Londres, « A Valentine’s Day Concert ». Le tout remastérisé aux petits oignons à Genève par la United Music Foundation, et supervisé par son complice de longue date, le producteur genevois David Hadzis. A cette époque, elle est au pinacle de sa carrière, ayant déjà côtoyé les plus grands : Stevie Wonder, Harry Belafonte, Dean Martin, John Lennon… Charlie Chaplin lui offre sur un plateau sa chanson This is my Song, Steve McQueen lui déclare sa flamme en la croisant un jour au restaurant, Elvis Presley essaie de l’attirer dans son lit…

 

 

Elle a aussi sa propre émission de télé, tourne un film sous la direction de Francis Ford Coppola, La vallée du bonheur, un autre au côté de Peter O’Toole, Goodbye, Mr. Chips. Pourtant, la chanteuse n’aime pas trop regarder dans le rétroviseur. « Je vis le moment présent. Je ne suis pas du tout nostalgique. Pour ce disque, j’ai dû réécouter mes chansons, mais je ne le fais habituellement jamais. Alors oui, ça m’a rappelé un moment très important de ma carrière. Ce jour-là, dans cette salle extraordinaire construite par la reine Victoria, l’ambiance était électrique, avec plus de 6000 personnes célébrant l’amour.

Mais il y en a eu d’autres, des instants magiques, comme la première fois où j’ai dansé avec Fred Astaire, par exemple. Ou encore cette rencontre, il y a quelques jours, dans le parc à côté de chez moi. Je me promenais, avec un masque et une paire de lunettes sur le visage, et un monsieur s’est arrêté face à moi en me disant : « Petula, j’aime beaucoup votre dernier disque ! » Je ne sais pas comment il m’a reconnu, mais rien que ça, pour moi, c’était aussi un moment fort. »

 

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Toujours alerte

A son âge, on l’imagine facilement en train de couler des jours heureux au bout du lac… Détrompez-vous ! Quand le confinement a sonné, en mars dernier, elle était encore sur scène, à Londres, au Prince Edward Theater. Elle incarnait la femme aux oiseaux dans une nouvelle version de la comédie musicale Mary Poppins. Preuve qu’elle a encore de quoi épater la galerie, le rôle lui a valu une nomination en tant que meilleure actrice dans un second rôle aux Laurence Olivier Awards, l’équivalent britannique des Molières. Mais ce n’est pas ce chômage technique qui va la réduire au silence. Tous les soirs, à 21 heures tapantes, sur son balcon, elle était là, à hurler et à taper dans les mains pour remercier le personnel des hôpitaux.

Pourtant, en dehors de l’euphorie de ces moments-là, elle peine à trouver son bonheur dans le train-train quotidien actuel. Levée tard le matin, après avoir passé la nuit — au moins jusqu’à 4 heures — à écouter ballets et opéras à la radio ou à la télé, elle entame ensuite sa promenade avant de s’atteler à la préparation du dîner. « Les journées se suivent et se ressemblent. Ce n’est pas déplaisant, juste pesant », continue-t-elle. On sent qu’elle brûle de retrouver les planches, même si elle a bien conscience que les théâtres ne risquent pas de rouvrir de sitôt.

C’est en 1968 que la Britannique s’installe à Cologny, le « Beverly Hills » genevois, avec son mari, Claude Wolff, rencontré une dizaine d’années plus tôt, lors de son arrivée en France.

Ils y construisent une somptueuse villa, troquée, depuis que leurs trois enfants ont quitté le nid, contre un appartement un rien plus modeste, avec « vue sur le Jura, le lac et le Mont-Blanc… » L’an prochain, ils fêteront leurs noces de diamant : 60 ans d’union. Mais, sans s’étendre sur le sujet, Petula Clark laisse entendre qu’ils vivent maintenant séparément. « Je suis revenue à Genève pour lui. Je savais qu’il était à la maison. Il n’entend plus très bien et je ne voulais pas le laisser seul. Mais ce confinement en duo s’est bien passé, dit-elle en riant encore, on ne s’est pas étripés. Il apprécie même ma cuisine… »

 

Un beau projet

Elle avoue néanmoins être un peu inquiète en pensant à l’avenir, se rendre compte qu’elle vieillit — « sauf dans ma tête », précise-t-elle — même si elle se sent encore en pleine forme. Elle a d’ailleurs en projet, l’an prochain, un grand concert à Londres… et part dans un grand éclat de rire quand on lui demande si elle rêve de s’éteindre sur scène : « Je connais quelqu’un à qui c’est arrivé, en direct à la télé même… Mais non, je ne pense pas à ça. Je verrai le moment venu. »

L’icône de la pop en profite pour souligner que chanter n’est pas tant le plus important à ses yeux, mais avant tout l’échange avec le public. « C’est fou, après toutes ces années, c’est toujours aussi fort ! La première fois que je l’ai constaté, j’avais 7 ou 8 ans, pendant la guerre. A cause des bombardements sur Londres, ma mère nous envoyait ma sœur et moi au Pays de Galles, chez ses parents. Un village de mineurs très pauvres. Tous les dimanches, on allait à la chapelle.

Et, un jour, on m’a demandé de chanter. Ma première face à un public. J’ai senti quelque chose de très fort et j’ai su que c’était ce que je voulais faire de ma vie. Eh bien, cette petite fille, elle est encore là, en moi. Quand je la sens angoissée, j’essaie de la réconforter. Je lui dis : « T’inquiète pas, je suis là. On a la musique pour nous, on peut chanter ensemble. » Parfois, c’est ce qu’on fait et j’ai vraiment l’impression de l’entendre à mon côté. »

 

 

Christophe Pinol

 

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