Frédéric Lopez: «Si je peux aider les téléspectateurs à se sentir mieux, c’est génial!»

L'animateur Frédéric Lopez se lance dans une nouvelle aventure télévisuelle avec Un dimanche à la campagne. © Ingrid Mareski

Après un break de quatre ans, loin des plateaux télé, Frédéric Lopez, l’ex-animateur de Rendez-vous en terre inconnue, revient sur France 2 avec une nouvelle émission champêtre, Un dimanche à la campagne. Bienveillance et intergénération au programme.

Il avait disparu du paysage audiovisuel, préférant se mettre au vert, dans les Cévennes, tout en continuant à produire quelques émissions à distance. Voilà, en effet, quatre ans que Frédéric Lopez a laissé sa place à Raphaël de Casabianca dans Rendez-vous en terre inconnue, ce programme où il emmenait une célébrité pour une destination secrète afin de se confronter aux coutumes de tribus autochtones.  

Mais, depuis le 23 octobre dernier, Monsieur Feel Good a fait son retour à l’antenne avec Un dimanche à la campagne. Tous les dimanches, sur France 2, reprenant le concept d’une autre de ses émissions, La parenthèse inattendue, il convie trois personnalités à passer vingt-quatre heures dans une maison de campagne, entre confidences, partage d’expérience de vie et activités champêtres. Le tout avec une bonne dose de bienveillance, la marque de fabrique de Frédéric Lopez. Il nous reçoit — via Zoom — dans sa maison de Paris, un brin préoccupé par des arboristes venus tailler son lierre, et se livre sur ses obsessions — les interactions entre êtres humains — nous parle de ce père avec lequel il s’est réconcilié, mais aussi des progrès qu'il a fait avec lui-même, acceptant dorénavant ses imperfections.

- Comment s’est passé ce retour devant les caméras après quatre ans d’absence?
- Frédéric Lopez:
pour être franc, j’étais terrorisé. J’avais totalement perdu confiance en moi. Vous savez, la télé, c’est comme un muscle. S’exposer ainsi devant les caméras, ce n’est pas mon tempérament. Et, comme je suis plutôt introverti dans la vie, j’avais retrouvé ma vraie nature et, le premier jour, j’avais un trac fou. Ce qui m’a redonné du courage, c’est de constater que les invités étaient contents d’être là. Les comédiennes Charlotte de Turckheim, avec laquelle je suis parti en Sibérie pour Rendez-vous en terre inconnue, et Barbara Schultz, qui est un amour. Ainsi que les rappeurs Bigflo et Oli, qui m’expliquaient avoir, à l’époque, regardé La parenthèse inattendue en se disant: «Si on fait, un jour, l’émission, c’est qu’on a réussi notre vie!» Ils ne se connaissaient pas, la mayonnaise a pris et ça m’a galvanisé. Mais même dans la vie privée, j’adore organiser des rencontres entre les gens. Les voir commencer à s’apprécier, c’est mon kif!

- En 2018, vous faisiez pourtant vos adieux à la télévision…
- Je n’ai jamais dit que j’arrêtais la télé. J’arrêtais En terre inconnue. Mais, en fait, je mentirais si je disais que je n’y ai pas pensé. La vérité, c’est que j’en avais marre de dire adieu aux autochtones que je rencontrais durant ces voyages, avec qui on passait tout notre temps, du réveil au couché. Je me suis infligé ça pendant quinze ans. C’était terrible. Je me souviens que, lors des dernières émissions, je pleurais déjà dans le taxi qui m’emmenait à l’aéroport, avant le début de l’émission, en sachant pertinemment ce que j’allais vivre. C’est le réflexe de Pavlov! Et, même sur place, il m’arrivait de sangloter tout seul dans mon coin. Je me revois à dos de yack, lors d’une transhumance, en train de chialer cinq jours avant le départ. Forcément, on s’attache énormément et les adieux sont terribles.

Ce besoin de performance permanent était épuisant. D’où l’envie de faire une pause

- Vous parliez aussi, à l’époque, de surmenage…
- Vous savez, l’audimat, c’est une compétition… Le lendemain de l’émission, les chiffres tombaient à 9 heures 15. Et on était tous terrifiés, en attente de savoir si on pourrait continuer ou pas. Ce besoin de performance permanent était épuisant. D’où l’envie de faire une pause. Et, quand France 2 est venu me chercher pour me proposer de reprendre le principe de La parenthèse inattendue, j’ai d’abord dit non. Un rendez-vous tous les dimanches, ça me faisait peur. Et puis, je me suis rendu compte que les interviews me manquaient. Dans la rue, les gens me demandaient souvent des nouvelles de l’émission, certains me disaient qu’elles les avaient aidés à surmonter des obstacles, et je me suis laissé convaincre.

- Qu’est-ce qui vous fascine tant dans ces rencontres entre différentes personnalités que vous prenez un malin plaisir à provoquer?
- Elles donnent du sens à la vie. On a tous nos dadas, voire une forme d’obsession. Je me nourris de ça. Tout comme du parcours de ces personnalités. Pour moi, ce sont des morceaux de vie auxquels je peux m’identifier. Et, si à travers eux, je peux aider les téléspectateurs à se sentir mieux, c’est génial. Prenez l’émission du 6 novembre: je reçois la musicienne Clara Luciani, l’humoriste Jarry et l’écrivaine Tatiana de Rosnay… Trois univers différents, trois personnes qui ont eu des parcours très compliqués. Clara a eu une adolescence terrible, harcelée parce que trop grande, moquée pour sa voix grave… Mais ces brimades lui ont permis d’acquérir une énorme sensibilité et de se lancer dans la musique. Elle a d’abord galéré avant de connaître le succès. Jarry, c’est un gamin qui vient de la campagne. Il ne ressemblait pas à ses frères, costauds et virils… Il était efféminé et voulait faire majorette. Il est venu à Paris et s’est finalement lancé dans le spectacle. Au début, personne ne voulait le programmer et il a fini par remplir des Zénith entiers… J’aime raconter ce type d’histoires, parce qu’elles peuvent donner de l’espoir à ceux qui les écoutent, aider des gens, pour qui la vie n’est pas toujours facile, à surmonter des épreuves.

- Vous avez choisi d’axer cette nouvelle émission, Dimanche à la campagne, sur le côté intergénérationnel de vos invités. En quoi cet aspect était si important à vos yeux ?
- C’est une autre de mes obsessions. Quand j’étais gamin, on se retrouvait avec tous mes cousins chez mes grands-parents et j’étais le chouchou de mes grands-mères. J’adorais écouter leurs histoires. Et j’avais retrouvé un peu de ça dans La parenthèse inattendue, quand il nous était arrivé de recevoir en même temps des gens de générations différentes. Et là, on a voulu l’appliquer systématiquement et, vous verrez, il en ressort beaucoup de tendresse.

- Quels souvenirs gardez-vous de ces grands-mères?
- Du côté de mon père, elle était espagnole et avait eu une vie très difficile. Elle pleurait souvent sur son rocking-chair. Elle me racontait son histoire et j’avais envie de la protéger. Elle lisait à l’époque un magazine, Nous deux, qu’elle m’envoyait souvent acheter, et plus tard, j’en ai fait la couverture. Ça m’avait rendu très fier. Pour moi, c’était tout un symbole. Celle du côté de ma mère était de Corrèze. Je l’aimais beaucoup aussi. Elle faisait des clafoutis incroyables.


Frédéric Lopez avec les invités de son émission, les rappeurs Bigflo et Oli, Charlotte de Turckheim
et Barbara Schultz
(de g. à dr.). © Ingrid Mareski

- Intergénérationnel encore, vous avez aussi un projet d’émission avec votre fils…
- C’est juste, mais ne parlez pas d’émission, sinon ça va le faire fuir (il rit). Mon fils, Victor, 26 ans, ne veut pas faire ce métier… Quand il habitait encore à la maison, je le voyais parfois, le matin, avec d’énormes cernes. Il m’avouait avoir regardé YouTube toute la nuit, je commençais à l’engueuler et il me disait: «Regarde, j’ai découvert untel… Tu vas l’adorer!» Et on a gardé ce titre: Tu vas l’adorer. Le principe, c’est qu’il me présente des gens de sa génération qu’il adule et que je ne connais pas, et je ferai pareil avec des personnalités de mon âge. On va faire ça sur YouTube et on est à la recherche de partenaires. Lui s’en fout d’être devant les caméras. Sa motivation, c’est juste de passer un peu de temps avec moi et d’en profiter pour combler ce fossé générationnel qui nous sépare.

- Il y a quelques années, vous expliquiez qu’il fuyait plutôt votre célébrité. Il l’a donc maintenant acceptée?
- C’est vrai. Il ne supportait pas que je parle de lui. Un jour, je l’avais accompagné à son travail et un de ses collègues avait eu le malheur de me dire bonjour et mon fils m’avait envoyé un SMS dans la foulée disant: «Super, maintenant tout le monde sait qui est mon père!» Il a toujours voulu exister par lui-même. Mais maintenant, il assume.

- Et vous, quels rapports avez-vous avec vos parents?
- Aujourd’hui, je m’entends super bien avec eux. Je trouve mon père hyper doux et attentionné, alors que, en fait, il m’a terrorisé pendant toute mon enfance. Il était très sévère, très dur: un tyran domestique. Qui, en plus, avait la main leste. Et, aujourd’hui, ce n’est plus du tout le même homme. Je l’ai détesté pendant longtemps. On m’offrait des livres sur le pardon et je ne voulais pas en entendre parler. Et puis, un jour, une cousine, la fille de sa sœur, m’a raconté certaines choses et j’ai compris que mon père avait vécu des moments terribles… Alors, ça a pris quelques années, mais la colère a laissé place à de la compassion et de la tendresse. Et, aujourd’hui, quand je suis chez lui, si je sors, il va me poursuivre avec un gilet parce qu’il a peur que j’attrape froid. C’est fascinant, ce changement. Comme quoi, tout n’est pas figé.

Je préfère nettement mes 55 ans à mes 45 ou même mes 35

- Et du côté de votre maman?
- A l’époque, je voyais bien qu’elle était malheureuse et ça me faisait beaucoup de peine. Ils étaient très jeunes quand ils sont devenus parents. Ma mère avait 17 ans. Je n’étais pas désiré. Et donc, il y a eu des moments difficiles, mais, aujourd’hui, ils sont très amoureux. C’est incroyable. Je n’aurais jamais parié là-dessus.

- Et vous, heureux aujourd’hui? Comment vivez-vous vos 55 ans?
- Très bien. Je préfère nettement mes 55 ans à mes 45 ou même mes 35. Vraiment! J’étais très anxieux avant. Je n’étais pas dans l’instant présent et je me gâchais beaucoup de moments. Mais là, je me sens plus tranquille. Avec moins de choses à me prouver ou à prouver aux autres. Et puis, j’ai appris à gérer mes imperfections. J’accepte de parfois ne pas être à la hauteur.

- Comme face à l’échec de certaines de vos émissions?
- Nelson Mandela disait: «Je ne connais pas l’échec. Ou je réussis ou j’apprends.» Mais je ne suis pas mécontent d’avoir eu des ratés. Ça fait partie de la vie. Quand on apprend à marcher, on tombe mille fois et on se relève mille fois. Je me rappelle que, en 2011, lorsque mon émission Leurs secrets du bonheur avait été annulée (NDLR : après seulement trois numéros), j’étais sous la couette, je ne voulais pas sortir parce que j’avais l’impression que tout le monde allait se moquer de moi et me jeter des cailloux. Et, en fait, les gens s’en foutaient. Ils avaient d’autres chats à fouetter.

- On vous résume souvent à votre côté bienveillant. Mais, en dehors de ça, qu’est-ce qui caractérise Frédéric Lopez?
- Je suis comme Monsieur Tout-le-monde, je peux parfois me mettre en colère. Je ne suis pas du tout un saint. Je le souligne parce que les gens ont tendance à m’idéaliser, alors que je ressens les mêmes émotions que tout le monde: la tristesse, la colère… Mais la bienveillance me touche, oui.

Si mon témoignage pouvait empêcher ne serait-ce qu’un suicide parmi ces ados, je me devais de le faire

- Vous avez fait votre coming out, il y a quelques années dans une de vos émissions. Qu’est-ce qui vous avait poussé à le faire ?
- Mon invité racontait son homoparentalité et m’expliquait qu’il y avait énormément de suicides chez les ados quand ils se découvraient homosexuels. Et je me suis dit: «Qu’est-ce qui m’empêche de dire que je le suis, aujourd’hui?» Si mon fils avait encore été à l’école, je ne l’aurais pas fait, mais il ne l’était plus. Si mon témoignage pouvait empêcher ne serait-ce qu’un suicide parmi ces ados, je me devais de le faire. Et j’avais reçu beaucoup de témoignages de la part de ces jeunes, m’expliquant que leurs parents avaient changé de point de vue sur la question.

- Aujourd’hui, quel regard portez-vous sur le succès de Rendez-vous en terre inconnue?
- C’est l’œuvre de ma vie… Je ne pouvais pas imaginer que l’émission marque autant les gens. Surtout que, à l’origine, personne ne voulait du concept et que je m’étais battu pendant des années pour le vendre. J’ai vécu des voyages inracontables. S’ils n’avaient pas été filmés, personne ne m’aurait cru. Même moi, aujourd’hui, je ne réalise pas ce que j’ai vécu. Et puis, de voir à quel point le public avait adhéré, de me sentir compris, c’était incroyable. On m’en parle encore tous les jours.

- On vous avait parfois reproché un ton un peu colonialiste… Une telle émission serait-elle encore possible aujourd’hui ?
- Le journal Le Monde avait écrit une phrase que j’adorais à propos de l’émission: «Un programme inattaquable, pour peu qu’on l’ait regardé!» Oui, il y a effectivement eu des critiques de ce type. Je m’étais d’ailleurs retrouvé face à Eric Zemmour chez Ruquier qui déblatérait sur l’émission et j’avais fini par lui faire avouer qu’il ne l’avait jamais regardée. Alors,je veux bien que les gens aient des préjugés, mais on a fait cette émission avec une éthique rare et un respect pour les gens incroyables. Et c’était tout sauf colonialiste.

Christophe Pinol

>> Un dimanche à la campagne, chaque dimanche sur France 2 à 16h55.

 

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