Des grands-parents se battent pour le climat demain !

Décidés à tout faire pour empêcher que la Suisse se transforme en un pays étouffant pour les générations qui les suivent, les « Grands-parents pour le climat » se font de plus en plus entendre en Suisse romande. 

Les glaciers qui fondent ? Des périodes de sécheresse toujours plus longues ? Ils auraient beau jeu de hausser les épaules en se disant « après nous le déluge ! » Grands-parents, ils ont, au contraire, décidé de donner de leur temps et de leur énergie pour l’avenir de notre planète. Pour eux, pas question de faire de longues croisières (polluantes), encore moins de multiplier les week-ends dans l’une ou l’autre ville desservie par easyJet (bilan carbone élevé). Une attitude et des façons de vivre combattues par celles et ceux qui se font désormais entendre en tant que Grands-parents pour le climat (GPclimat).

A la fin de novembre, à l’occasion de sa première manifestation publique d’envergure, cette association, lancée en Suisse romande en 2014 et qui réunit aujourd’hui près de 600 membres, a donné la pleine mesure de son impact. Plus de 400 personnes, toutes générations confondues, ont afflué à l’UNIL pour assister à une conférence donnée par deux ténors de l’engagement pour le climat : Jacques Dubochet, Prix Nobel de chimie 2017, membre de la première heure des GPclimat, et Martine Rebetez, climatologue et professeure à l’Unine.

Les conférenciers ont choisi des images fortes pour appuyer leur discours inquiétant. Dont celle-ci: sur le Plateau, comme en montagne, la période d’hiver s’est raccourcie de près de dix jours chaque décennie dans le passé récent. En Suisse, il y a toujours plus de jours où la température dépasse 30 degrés.

 

Toujours plus d’aînés concernés

Dans la salle comble, avec des grands-parents venus de toute la Suisse romande, « quelque chose s’est passé », tout le monde en a convenu. Membre de la Commission scientifique des GPclimat, Jean Martin, ancien médecin cantonal vaudois, formule ainsi après coup cette impression : « Ce qui a frappé, ce qu’on sentait dans l’air, c’est un bouillonnement de volontés, d’énergies.» Les deux orateurs ont notamment été interpellés par des étudiants et de jeunes membres d’associations actives en Suisse romande, toutes concernées par les changements climatiques à l’aune de nos modes de déplacements et de consommation.

Nouvelle dans son ampleur, la prise de conscience trouve des porte-voix à tous les échelons de notre société: « Nous vivons à crédit des générations futures », met en garde Benoît Frund, vice-recteur de l’UNIL, en charge de la durabilité sur le campus. Mais, comme le dit Laurence Martin, coprésidente des GPclimat : « Il n’est pas trop tard ! Nous pouvons encore sûrement faire quelque chose avant de disparaître. »

Le ton est donné, en écho à une lettre publiée en 2012 par le magazine environnemental LaRevueDurable (LRD) basé à Fribourg : intitulée « lettre des petits-enfants du monde aux plus de soixante ans », elle alertait les générations descendantes de l’angoisse des générations montantes sur le changement climatique. Dans la foulée, un an plus tard, la LRD publiait un dossier sur la campagne des grands-parents de Norvège, premier groupe de grands-parents pour le climat, fondé en 2007.

Depuis, au Canada et aux Etats-Unis, en Suède et ailleurs, d’autres groupes similaires ainsi que de parents, notamment de mères, se sont formés. Il n’en fallait pas plus pour encourager Jacques Mirenowicz, rédacteur en chef de la LRD à lancer un appel à « Construire un mouvement de grands-parents pour le climat ».

 

« On a un problème, là … »

Lors d’une première réunion exploratoire, en 2014, une quarantaine de personnes étaient présentes. Presque cinq ans plus tard, le climat voit donc se presser dix fois plus de bonnes âmes du 3e âge à son chevet. Pour Jacques Dubochet, ce n’est pas là une surprise : « Car on a un problème, là… Si le CO2 monte, la température monte elle aussi. La solution existe ! Arrêter tout de suite de brûler des combustibles fossiles. » Oui, mais est-ce seulement possible ? « Oui parce qu’il le faut … »

A l'UNIL, les " Grands-parents pour le climat" habituellement concernées par les enjeux ont gagné en notoriété. Désormais, en Suisse romande, leur message est catpé bien au-delà du cercle des personnes climatiques. Et, parmi eux, beaucoup de jeunes, présents lors du grand raout de novembre.
© photo: Yves Leresche

 

 

Influence politique
Comme n’a de cesse de le répéter Jacques Mirenowicz, les grands-parents ne doivent pas hésiter à peser de toute leur influence, tant auprès des parlementaires que des autorités publiques, pour que soient fixés des objectifs ambitieux de baisse des émissions de gaz à effet de serre. Initiateur des GPclimat en Suisse romande, il s’est notamment inspiré de la philosophie et de l’action du climatologue américain James Hansen, un grand-père concerné par le monde qu’il laissera à ses petits-enfants : « Notre amour pour les enfants pourrait et devrait être une grande force de changement. Une politique climatique responsable n’est rien d’autre que de l’amour éclairé. »

Nos grands-parents pour le climat seraient-ils nostalgiques de leurs 20 ans, quand le Peace and love fleurissait dans les sociétés occidentalisées ? Un état d’esprit revendiqué par Laurence Martin, mais loin du cliché des années septante : « Nous avons aussi voulu ancrer le mouvement dans la dimension affective : l’amour avant le combat, c’était particulièrement marqué dès le début des « Grands-parents pour le climat ». Par ailleurs, nous voulons être attentifs à l’excès d’activisme. Ainsi, avec notre Commission scientifique, nous avons également cherché l’appui d’un certain nombre de personnalités, très crédibles, pour mieux fonder nos actions. »

 

Des grands-parents pas tombés de la dernière pluie

Dans un premier temps, les GPclimat ont réuni des personnes qui ont toujours manifesté une sensibilité écologique, au long de leur existence. Le cercle s’élargit, tout en demeurant situé dans une catégorie sociale plutôt aisée et surtout éduquée. « Certes, dans les deux sexes, parmi les personnes engagées dans notre mouvement, nous comptons pas mal d’anciens professeurs, de fonctionnaires, de médecins, d’ingénieurs, d’infirmiers, de scientifiques. C’est en fait assez logique, comme on peut le constater avec notre manifestation « Agir ensemble pour le climat » : le lieu, les conférenciers invités, l’envie d’approfondir le sujet, ont dû attirer en priorité un certain public. »

L’origine même de l’association GPclimat explique également la composante première de ses membres : « LaRevueDurable, sans laquelle nous ne serions pas nés, n’est pas forcément « croustillante », mais exemplaire, par son travail sérieux, approfondi et … intello, oui, osons le dire. Dès lors, comment s’étonner que les premiers membres de l’association aient cette coloration ? »

On ne peut toutefois pas non plus s’empêcher de constater que la plupart de ces grands-parents pour le climat appartiennent à une classe sociale pour laquelle les fins de mois ne sont pas trop difficiles. Peut-on en conclure que plus le revenu est bas, plus difficile s’avère la sensibilisation aux questions climatiques ? « Non, c’est par trop simplifier les choses à mon sens, prévient Laurence Martin. Parmi les amoureux de la nature, il y a des gens simples, à revenu modeste, qui sont très sensibles à la question. »

 

Les climato-sceptiques ne sont pas loin

De plus, le fait d’être issus d’une classe sociale aisée ou éduquée ne prédispose pas forcément à une sensibilité aux enjeux climatiques. Les GPclimat constatent même le contraire : « Quand nous discutons dans nos milieux, nous rencontrons encore passablement de climato-sceptiques ou « climato-réalistes ». Beaucoup trop ! Ils ne veulent pas voir que la finance, en particulier quand elle s’accompagne d’investissements dans des entreprises de gestion ou d’extraction d’énergies fossiles, est un problème majeur pour le climat. »

A contrario, Laurence Martin ne pense pas non plus que les classes défavorisées soient forcément rétives à toute réflexion sur le climat : « Si on réfléchit à ce qui se passe en France, si regrettable que ce soit pour le climat, je ne crois pas que les gilets jaunes se fichent totalement du climat, mais que, d’abord, ils ont de la peine à nouer les deux bouts. »

Plus de 400 personnes, toutes générations confondues, ont afflué, en novembre dernier, à la conférence donnée à l'UNIL à Lausanne.  
© Yves Leresche

 

Une notion de responsabilité

Dans la réflexion des GPclimat, le sentiment de responsabilité est récurrent. « Si toute idée de culpabilité m’est lointaine, affirme Jacques Dubochet, il faut reconnaître que la génération qui est la mienne, issue des Trente Glorieuses, nous a placés dans une situation climatique dramatique. » Le nobélisé est parfois traversé par une crainte : « Voir monter la fureur des nouvelles générations, enfin conscientes de ce qui se joue sur le plan du climat, et qui pourraient, dès lors, traiter leurs aînés de « salauds ». Quoi qu’il en soit, le biochimiste vaudois encourage les jeunes d’aujourd’hui à répondre eux-mêmes aux défis qui se présentent. A un étudiant de l’EPFL qui lui demandait comment affronter un sentiment d’impuissance face à l’immobilisme politique, il a dit ceci : « Moi, dans quinze ans, je suis dehors ! C’est à vous de trouver des réponses. La solution vient de votre génération. » Aux jeunes qui se sentiraient découragés, Martine Rebetez conseille d’agir chacun à la mesure de ses forces et de ses capacités de changement : « Avec trop d’ambition, c’est prendre le risque de se laisser submerger. »

 

Une limite : la violence

S’il est une limite que se sont fixée les « Grands-parents pour le climat », c’est de ne pas participer à des actions violentes. En revanche, la désobéissance civile n’est pas exclue. Dans une Suisse où le réchauffement atteint déjà 2° C, avec des conséquences visibles sur l’agriculture, les glissements de terrains, les glaciers, la biodiversité, comment entendent-ils manifester l’urgence du changement ? « En alertant sans relâche les habitants et les citoyens suisses de la nécessité d’un changement radical d’attitudes et de comportements individuels et collectifs », affirment les GPclimat dans leur charte. Et de préciser : « En utilisant les canaux politiques de notre démocratie. » Leur combat s’inscrit ainsi plutôt dans une forme d’exemplarité dont sont témoins leurs petits-enfants et les nouvelles générations. Cela passe notamment par un réexamen fondamental de comportements et de choix dans l’habitat, les consommations et les déplacements.

Dans la droite ligne des GPclimat, une autre association fait parler d’elle: les « Aînées pour la protection du climat ». Leur coprésidente, Anne Mahrer, se prend à rêver d’une déferlante pour le climat « à l’image de la contestation du nucléaire, comme à Kaiseraugst ». En 1975, cette commune argovienne avait cristallisé l’opposition à la construction de nouvelles centrales, marquant le début de la mouvance politique verte en Suisse. Décidées à se battre sur un plan judiciaire, les Aînées pour la protection du climat viennent d’essuyer un revers au Tribunal administratif fédéral, mais elles n’ont pas l’intention de baisser les bras. Elles avaient lancé, en 2016, une action judiciaire contre les autorités fédérales, leur reprochant de ne pas remplir leur obligation de protection à l’égard des personnes particulièrement menacées par les conséquences des émissions de gaz à effet de serre.

Sur le fond, n’est-il pas illusoire de rêver un monde sans carbone, compte tenu de nos habitudes de confort et de consommation ? « Je crois, quant à moi, qu’un monde sans carbone est plus agréable à vivre, soutient Martine Rebetez. A-t-on besoin d’avoir plus d’argent ? D’aller faire des achats le week-end dans des villes qu’on rejoint en avion ? »

Avec ce mélange de fermeté et de douceur qui les caractérise, les Grands-parents pour le climat sont à l’unisson du morceau choisi par Jacques Dubochet en guise de conclusion à la manifestation de GPclimat : Imagine de John Lennon. Il est toujours temps de rêver à un monde meilleur.

 

 

Nicolas Verdan


 

« Les générations précédentes se sont comportées comme des égoïstes imprévoyants ! »

Le psychiatre et explorateur helvétique Bertrand Piccard a développé plusieurs projets destinés à nous faire réfléchir à l’utilisation de nos ressources, et donc à l’avenir de notre planète. Entretien. On ne présente plus le psychiatre et explorateur helvétique Bertrand Piccard, à qui l’on doit le premier tour du monde en ballon, en 1999, puis, entre 2015 et 2016, celui en avion solaire aux commandes de Solar Impulse. Des aventures teintées d’une profonde conscience écologique qui se prolongent, depuis la fin de 2016, par le lancement de l’« Alliance mondiale des solutions efficientes, destinée à fédérer les acteurs économiques des technologies des énergies renouvelables et du développement durable ». Son but ? Présenter aux décideurs politiques « 1000 solutions rentables pour protéger l’environnement ». Retour sur son engagement écologique …

 

Votre famille est l’illustration même d’une responsabilité intergénérationnelle envers la planète. Les exemples de votre grand-père, Auguste, et de votre père, Jacques (photo), ont-ils été déterminants dans la constitution de votre responsabilité environnementale ?

Depuis mon plus jeune âge, j’ai toujours été élevé dans l’idée que l’exploration scientifique doit être mise au service de l’environnement. Quand mon grand-père est monté dans la stratosphère, son but était de montrer qu’on pouvait voler dans de l’air moins dense et, par conséquent, consommer moins de carburant. Et, lorsque mon père a plongé dans la fosse des Mariannes, il s’était donné pour mission de montrer qu’on pouvait, là, trouver de la vie et que les gouvernements ne devaient pas jeter leurs déchets toxiques dans leurs fonds. Après avoir fait le tour du monde en ballon, j’ai acquis une crédibilité me permettant de poursuivre cet engagement.

 

L’alarmisme est-il la bonne manière de sensibiliser les jeunes au changement climatique ? 

Non, dans la mesure où cela leur renvoie l’image d’un monde mal géré et angoissant. Il vaut mieux leur montrer qu’il y a des solutions, leur donner la force de réaliser leurs rêves, afin qu’ils deviennent des pionniers dans leur manière de faire et de penser. Il faut préparer l’avenir avec eux, car ils seront les décideurs de demain, mais aussi agir sur le présent par l’entremise des dirigeants actuels. Et, là, l’alarmisme est important, car il faut secouer ces inconscients qui ont des visions à court terme, dénuées d’empathie à l’égard de l’humanité.

 

Certains jeunes accusent les générations précédentes d’avoir laissé la planète dans un état lamentable. Que leur répondre ?

Que les cinq générations précédentes se sont comportées comme des égoïstes imprévoyants ! C’est honteux qu’elles soient parvenues à épuiser 90 % des poissons, à faire disparaître plus de la moitié de la biodiversité ou, encore, à consommer la plus grande partie des réserves en énergie fossile.   

 

La génération des seniors commence toutefois à s’engager, à l’instar d’association comme les « Grands-parents pour le climat » …

Je ne peux que saluer ces mouvements de population, qui sont de plus en plus nombreux. Tout le monde devrait agir pour le climat en incitant un milieu politique à la traîne à oser prendre des décisions ambitieuses pour décarboniser l’économie, d’autant plus que les solutions existent déjà. Mais il ergote sur de petits détails de procédure, alors que la maison brûle !

 

Seriez-vous prêt à soutenir officiellement cette association de seniors ?

A travers la Fondation Solar Impulse, je soutiens surtout les start-up et les entreprises qui amènent des solutions technologiques permettant de protéger l’environnement de façon économiquement rentable.

 

Comment expliqueriez-vous à des enfants l’objectif de votre « Alliance mondiale des solutions efficientes pour protéger l’environnement » ?

Je leur dirais que de nombreuses petites entreprises ont inventé des solutions qui peuvent transformer notre société en la rendant plus fonctionnelle et plus propre, tout en créant des emplois, mais qu’elles restent méconnues, faute de moyens de communiquer. Mon but est de les promouvoir. A propos d’enfants, ma femme, Michèle, vient de publier un livre intitulé L’avion qui vole avec le soleil — Le tour du monde de Solar Impulse expliqué aux 8-12 ans.

 

Vous avez 60 ans. Pensez-vous que la science, alliée à une politique responsable, soit encore à même d’empêcher les futures générations de vivre sur une planète trop chaude et irrespirable ?

Si nous poursuivons sur ce rythme, les températures moyennes augmenteront de 3,5 degrés d’ici à 2050. Des maladies tropicales et des feux de forêts vont se développer en Suisse, l’Europe devra faire face à 200 millions de réfugiés climatiques, etc. La qualité de vie se détériorait donc nettement. Il n’y a qu’une solution pour limiter les dégâts : que les pays se fédèrent afin de décarboniser leur industrie d’ici à 2030.

 

La Suisse est-elle une bonne élève en matière de protection de l’environnement ?

Elle vit un peu sur sa réputation de pays propre et respectueux, mais ne prend pas les décisions qu’il faut pour agir véritablement. Le problème, c’est que l’industrie et l’économie helvétiques n’ont pas encore compris que le meilleur moyen de croître économiquement est de réduire les émissions de CO2. Les pays qui s’y sont attelés sont plus compétitifs que la Suisse en termes d’industrie d’exportation, car ils gaspillent moins de matières premières. Si l’année 2019 devait avoir un slogan rassembleur, lequel serait-il ? La protection de l’environnement et la lutte contre les changements climatiques sont rentables financièrement et industriellement.

 

A titre personnel, quels sont les gestes que vous faites pour l’environnement ? 

J’ai, par exemple, isolé ma maison et mis une pompe à chaleur, ce qui m’a permis de diviser mes charges de chauffage et d’eau chaude par trois. En outre, je chauffe ma maison à 20 degrés au lieu de 25, ce qui engendre une économie d’énergie de 50 %. Et puis, j’ai une voiture 100% électrique, une Hyundai Kona, qui a 400 kilomètres d’autonomie et coûte moitié moins qu’une Tesla.

 

Vos filles suivent-elles vos pas ?

Elles ont baigné là-dedans. Quand elles étaient petites, elles avaient une amende de 50 centimes quand elles laissaient brûler la lumière dans une pièce où elles n’étaient pas. Cette éducation semble avoir porté ses fruits : l’aînée, avocate, a entamé une formation complémentaire sur le droit de l’environnement ; la deuxième travaille dans le marketing de produits respectueux de l’environnement, alors que la cadette, architecte, s’intéresse aux bâtiments à énergie positive. A d’autres niveaux, elles suivent mes traces.

 

Propos recueillis par Frédéric Rein


 

 Une grand - mère et son petit-fils  nouent le dialogue

 


© Corinne Cuendet

 

Une grand-mère et son petit-fils nouent le dialogue. Ioen, 9 ans, vit à Venthône (VS), un village à la vue panoramique sur Sierre et les Alpes toutes proches. Sa grand-maman maternelle se prénomme Béatrice. Retraitée, après une carrière d’infirmière et d’attachée de recherche clinique en oncologie au CHUV, mère de trois enfants et grand-mère de trois petits-enfants, elle est membre de l’association Grands-parents pour le climat.

Béatrice, qui vit à Morges (VD), a rejoint aujourd’hui Ioen. Dans la cuisine de la maison familiale de Venthône, tous les deux ont joué le jeu de l’interview sur cette relation particulière qui se noue entre eux autour du changement climatique.

 

Ioen et Béatrice, à quoi le mot climat fait-il référence pour vous ?

Ioen A la chaleur qui est dans l’air.

 

C’est un mot que tu connaissais avant que ta grand-mère ne t’en parle, elle qui fait justement partie des « Grands-parents pour le climat » ?

Ioen Oui. Béatrice En fait, Ioen, le climat c’est l’air qui nous entoure, c’est le temps qu’il fait. Il peut y avoir du soleil, de la pluie, il peut faire chaud, faire froid. Il peut y avoir de la neige et de la glace quand il fait froid. C’est l’atmosphère qui entoure la Terre. Actuellement, on parle beaucoup de climat, car il se dérègle. On a constaté des choses bizarres, cette année : pas mal de tempêtes, de gros orages et aussi de la sécheresse.

 

Ioen, tu as suivi les informations sur ces phénomènes climatiques, tels que les feux en Californie ?

Ioen Oui, avec aussi tous ces incendies au Portugal …Béatrice C’est vrai, il y a eu beaucoup d’incendies et d’orages violents. Chez nous, l’été fut superbe. On a pu aller à la piscine et au lac. Mais il n’a pas beaucoup plu. On a pu constater que le niveau d’eau de nos rivières et de nos lacs avait bien diminué. Durant l’automne, on a bénéficié d’un temps magnifique, mais de nouveau sans la moindre précipitation.

 

C’est quelque chose dont tu avais déjà parlé avec ta grand-maman, Ioen ?

Ioen Oui, on en avait déjà parlé ensemble. Et puis, je suis allé voir une exposition à Sion qui montre les risques naturels en montagne.

 

Béatrice, quand vous aviez 20 ans, auriez-vous pu imaginer être confrontée à une urgence climatique ?

Béatrice Non, je ne crois pas. Ma génération a eu beaucoup de chance. Nous étions bien sûr moins nombreux sur cette Terre. Même si je vivais dans une ville, nous étions vite dans la nature. On était à portée de la montagne, du lac. Il y avait de plus grandes surfaces d’espaces verts si je compare à l’environnement actuel, très bâti, dans lequel sont nés mes petits-enfants. Nos villages se construisent à toute vitesse. Je suis très choquée par l’énorme pression immobilière de notre canton.

 

Le fait de constater cette bétonnisation du territoire vous a motivée à adhérer aux Grands-parents pour le climat.

Béatrice Oui, entre autres, mais pas seulement. J’ai conscience d’importants changements d’ordre climatique. Nous sommes souvent dans le val Ferret (VS) où on voit les glaciers diminuer, chaque année un peu plus. C’est visible à l’œil nu. Les sentiers changent, le paysage est parfois marqué par des glissements de terrain. Quelquefois, la route est coupée. On remarque qu’il y a des phénomènes nouveaux qui nous font penser à un réchauffement climatique.

 

Sur la base des constats que vous faites, comment en parlez-vous à Ioen et à vos autres petits-enfants ? Sur le mode de l’alerte ou de la sensibilisation ?

Béatrice Pas sur le mode de l’alerte. On est obligé de choisir ses mots et de nuancer ses propos pour ne pas leur faire peur. Il ne faut pas qu’ils s’imaginent les pires horreurs et qu’ils fassent des cauchemars. En revanche, on peut les sensibiliser à des attitudes et des gestes positifs pour le climat.

 

Ioen, quand tu parles des dégâts causés par le changement climatique, tu ressens de la peur ?

Ioen Non, pas vraiment. Mais, des fois, j’imagine ce que serait une planète Terre où il n’y aurait plus assez d’eau et où il n’y aurait presque plus rien. Béatrice Ce serait comme un désert. Nous avons déjà des déserts sur la Terre, mais peu de gens y vivent, c’est trop compliqué. Ioen Moi, quand j’étais petit, j’ai vécu en Nouvelle-Zélande. On habitait dans une forêt, proche de l’océan. La nature était très belle.

Béatrice Tu te souviens d’où provenait l’eau courante ?

Ioen Derrière la maison. On avait une grosse citerne remplie d’eau de pluie. Une fois, il y a eu une période de sécheresse et on ne pouvait plus prendre de douches. On a dû acheter de l’eau qui était amenée par un camion.

 

Parlez-vous de ces questions climatiques à l’école ?

Ioen Pas souvent. Béatrice Cela m’étonne, d’ailleurs …Ioen Mais mon prof nous pose une question par jour. Et, parfois, c’est sur le climat …Béatrice Ah, quand même ! Tu sais que tu peux aussi proposer à ton prof de faire un exposé ou de discuter, en classe, du réchauffement climatique. Je suis certaine qu’il serait d’accord. Ces jours-ci, par exemple, on entend beaucoup parler de climat à la radio ou à la TV. Il y a une grande réunion de chefs d’Etat en Pologne qui disent qu’ils vont faire un maximum pour diminuer les émissions de gaz à effet de serre.

 

Ce serait donc bien le rôle de GPclimat de faire ce travail de sensibilisation auprès des nouvelles générations …

Béatrice Oui, en effet, même si, jusqu’ici, nous avons plutôt sensibilisé les gens de notre génération. Mais nous préparons, au sein de notre groupe régional, un projet destiné aux enfants, où on aborde des informations sur tel ou tel aspect de la lutte pour la protection du climat et de l’environnement. Et il y aura certainement d’autres projets dans le futur. L’idée est de donner des conseils permettant aux petits-enfants d’agir à leur niveau. Ces petits gestes qui ont leur influence, tels qu’éteindre les lumières en quittant une pièce, arrêter l’eau durant un brossage de dents, économiser l’eau pendant la douche. Ioen Ici, à Venthône par exemple, nous allons à l’école à pied avec de petits groupes de copains.

 

Dans ta famille, la question de la nécessité d’avoir ou non une voiture se pose-t-elle, Ioen ?

Ioen Oui. On en a deux, car mes parents les utilisent pour travailler. Mais, quand ma maman doit nous amener au ski-club ou à la musique, on prend les copains du quartier et on fait en sorte de n’en utiliser qu’une. On marche à chaque fois qu’on peut et on fait aussi beaucoup de vélo. Béatrice On se pose aussi la question des déplacements en avion. Et là, on est d’accord pour se dire que, un jour, il faudra bien diminuer la fréquence de ce genre de voyages. Ioen Cet été, justement, avec mes parents, mon frère et des copains on a fait des vacances en vélo, avec un grand tour dans la région du Danube.

 

Béatrice, face aux nouvelles générations, vous vous sentez responsable du changement climatique ?

Béatrice Oui, pour mes petits-enfants et pour la jeunesse en général. Nous, on ne souffrira pas vraiment des effets du changement. Mais nos petits-enfants et les générations qui suivent seront directement concernés. Je pense qu’il est nécessaire d’agir. On constate que les gens ne sont pas toujours prêts à changer de mode de vie, ce n’est pas évident. On est prisonnier de nos habitudes et de notre confort. Mais je constate, avec plaisir, qu’il y a des jeunes qui s’interrogent sur les modes de transports, sur l’alimentation et qui entreprennent de faire les choses différemment.

 

Nicolas Verdan

 

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