On se défend

Quand le brouillard hivernal invite à l'introspection... © iStock

Corps et âme, la chronique d'Isabelle Guisan.

Il est des jours, notamment quand le brouillard hivernal invite à l'introspection, où on se demande comment l’édifice brinquebalant nommé «mon existence» continue à tenir et même à fonctionner. Pas de déprime dans ce questionnement, ni de plainte devant l'âge qui avance encore d'un cran en ce début d'année. Juste l'étonnement — reconnaissant — de constater que ce corps qui se fripe et cette tête qui se ride se défendent, malgré d'inévitables couacs, avec plus de septante années au compteur. 

Ne jamais regarder les dizaines, non, les centaines de recettes accumulées dans une armoire de la cuisine, et pourtant me nourrir convenablement. Adapter le rythme de ma marche, de plus en plus lent, pour monter et descendre des pentes alpines de moins en moins raides. Payer mes acomptes d'impôts sans comprendre comment ils ont été calculés, mais détecter à temps l’erreur — évidente — commise par le fisc. Mettre vaguement à jour des classeurs gonflés de papiers administratifs et surnager dans leur systématique peu convaincante. Aller au garage, y retourner et savoir insister quand le chef mécano secoue la tête: «Mais non, vous vous trompez, aucun bruit inquiétant», avant de découvrir l’amortisseur cassé qui aurait pu envoyer ma voiture dans les décors. Pratiquer la distraction et l'oubli à haute dose, sans perdre durablement jusqu’ici mes clés ni mon téléphone. Me pardonner mes errances informatiques, en trouvant ici et là des béquilles sympathiques.   

Je suis loin encore des 93 ans d’une amie, des 94 ans d’un ami, qui tous deux vivent seuls chez eux et se débrouillent magnifiquement. Des exceptions? Plus vraiment en 2023. Alors, croisons les doigts.

La journée a passé, le brouillard s'est estompé et je m’affale avec gratitude devant l’excellente émission d’info française C’est dans l’air. Le plaisir de faire travailler mes méninges avant de zapper sur N’oubliez pas les paroles. Eh oui. Au micro, l’inusable Nagui vieillit lui aussi, inexorablement. Mais son divertissement me garantit une heure vaguement hébétée. Détente contribuant à l’équilibre de mes neurones.

Isabelle Guisan

 

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