Les Huns étaient-ils des réfugiés climatiques?

Philippe Jeanneret © Jay Louvion / RTS
Le mois de Monsieur Météo, la chronique de Philippe Jeanneret.
L’étude des climats anciens a démontré que l’arrivée des Huns dans l’Est de l’Europe était liée à l’avènement d’une longue période de sécheresse en Asie centrale. Peut-on, pour autant, parler de réfugiés climatiques, à l’instar de l’historien Kyle Harper dans son ouvrage Comment l’Empire romain s’est effondré? La question mérite d’être posée.
Les faits sont avérés, les Huns ont été confrontés à une redoutable sécheresse dans le nord de la Chine et en Asie centrale entre 350 et 370 après J.-C. Ne disposant plus de l’eau et des pâturages nécessaires pour leurs animaux, ils ont été obligés de quitter leurs contrées. La situation des Huns présente un certain nombre d’analogies avec la définition de réfugiés climatiques: «Personnes forcées de quitter leur habitat de façon temporaire ou permanente, en raison d’une rupture environnementale (d’origine naturelle ou humaine) mettant en péril leur existence ou affectant sérieusement leur qualité de vie.» Mais elle ne peut pas vraiment leur être appliquée.
Le statut de réfugié permet en effet de bénéficier d’un droit à l’asile, il n’autorise pas le recours à la force, encore moins le massacre de populations innocentes. De ce point de vue, les Huns ne peuvent être considérés comme tels. Cela dit, avaient-ils d’autres choix? Même en arrivant avec de bonnes intentions, les Romains les auraient repoussés ou en auraient fait des esclaves…
Aussi surprenant que cela puisse paraître, les choses n’ont pas vraiment changé, aujourd’hui. Même s’il est de plus en plus utilisé par les médias et par les politiciens, le terme «réfugié climatique» n’est toujours pas reconnu par le Haut-Commissariat pour les réfugiés et par le droit international, on parle, tout au plus, de «personnes déplacées par les catastrophes naturelles ou par le changement climatique».
Et, sur le terrain, lorsque le climat intervient d’une manière ou d’une autre dans un conflit, comme au Sahel ou en Somalie, la non-reconnaissance du statut de réfugié climatique ne fait qu’accentuer les tensions.
Philippe Jeanneret,
météorologue à la RTS