L’éternelle envie de jouer
Ven, 01/11/2019 - 00:00. Mis à jour le Ven, 01/11/2019 - 10:39

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J'ai beaucoup vieilli, dit Jean-Luc Godard, mais j’ai aussi beaucoup rajeuni. » Quand on sait que le cinéaste, il y a encore peu de temps, était capable de marcher sur les mains et que, au gré des interviews, il donne l’impression de s’amuser comme un gosse, on est non seulement ravis de l’entendre, mais aussi obligés de constater que ce phénomène concerne beaucoup d’entre nous. Comme l’a exprimé d’une autre manière l’écrivain Jean-Claude Grumberg, lors de son passage à la Grande Librairie : « A un certain âge, on devient de plus en plus enfant. » Et il est vrai que, en y regardant de plus près, de nombreux parallèles sautent aux yeux comme l’envie de manger mou, de préférer la mie à la croûte, d’apprécier les compotes pour diverses raisons ou de prendre son temps pour enfiler ses chaussures, comme si la brume du rêve ralentissait les mouvements. Mais les ressemblances ne s’arrêtent pas là. On constate le retour de la sieste ou de divers assoupissements qui surgissent sans crier gare, d’une extension du domaine du sommeil, d’une envie d’être chouchouté voire guidé, d’être pris par la main, sans compter les comptines que les aînés se remettent à fredonner, comme si la mémoire, le temps d’une chansonnette, ne leur faisait plus défaut et les reliait, d’un coup d’un seul, à leur enfance redevenue si proche. S’y ajoutent le fait d’avoir une peau fine, des cheveux plus clairsemés, un non-besoin de paraître ainsi qu’une puissante envie de s’enfoncer dans un canapé pour regarder un écran, télé pour les anciens, tablette pour les jeunes pousses, sans oublier la possibilité de se déplacer en voiturette, camion en plastique, tricycles ou chaise roulante. Le retour de l’envie de jouer, associé au temps libre qui surgit comme un boomerang après des années de contraintes, offre des instants de partage via le domino ou le scrabble qui rappellent ce besoin de communauté qu’ont les gosses, affairés et mus par la seule et noble envie de jouer. Age tendre et âge mûr, même combat ? Tout le porte à croire si on inclut le besoin de protection que nécessitent ces âges des extrêmes et cet aphorisme que balance Alain Cuny alias « Taureau assis » dans Touche pas à la femme blanche, du cinéaste Marco Ferreri : « Tu es vieux comme un enfant et les enfants ne doivent pas combattre. » Enfance et vieillesse, les deux états en dehors de la guerre.
Véronique Emmenegger, chroniqueuse
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