Dominique de Buman: «Cultiver ses racines, sans oublier de faire des boutures»

Dominique de Buman L'ancien conseiller national et syndic de Fribourg évoque les valeurs familiales humanistes et chrétiennes qui ont inspiré sa carrière. Il raconte aussi son grand-père vaudois qui a donné un sens à son engagement politique.
S’il est un homme qui, aujourd’hui, incarne le canton de Fribourg, c’est bien lui: Dominique de Buman, 66 ans, originaire de son canton, domicilié au cœur de la cité des Zaehringen, dont il fut le syndic de 1994 à 2004, président de la Coopérative des producteurs de fromage d’alpage, président du comité d’organisation du Suisse Fondue Festival Fribourg 2022, président de l’Abbaye des Maréchaux (de 1992 à nos jours), pour ne citer que trois de ses innombrables mandats professionnels et associatifs actuels, au service de sa communauté, qu’elle soit des villes ou des champs.
Forte tête
Or, que l’on ne se trompe pas. Cette forte tête du PDC, qui accéda au perchoir du National en 2017, a aussi des racines vaudoises. Et c’est d’ailleurs à la brasserie lausannoise La Bavaria que nous avons rendez-vous pour cet entretien. «J’ai beaucoup de bons souvenirs d’enfance à Lausanne, en particulier dans le quartier de Rumine. On venait trouver mes grands-parents maternels.»
Lorsqu’il évoque sa famille, très vite ce politicien aguerri et cet entrepreneur né (trente-trois ans de mandats politiques électifs et dix ans de présidence de la Fédération suisse du tourisme et des Remontées Mécaniques Suisses) évoque une figure qui a compté pour lui: son grand-père, Jean Wiswald, un Vaudois catholique aux origines soleuroises qui a fondé, en 1953, la fameuse usine des «Chaux et Ciments» d'Eclépens. Dominique de Buman avait 16 ans quand son grand-père, «un bon vivant, drôle, pétri de culture, gourmand» a quitté ce monde: «J’ai beaucoup parlé avec lui et il m’a insufflé la nécessité d’avoir des partenaires sociaux fiables. J’en ai des frissons rien que d’y penser. Grâce à ce libéral, membre de l’Abbaye de l’Arc et du Cercle littéraire de Lausanne, qui donnait des consignes de vote pour le syndicaliste chrétien social Roger Mugny, j’ai compris que l’on doit trouver des terrains d’entente en politique. Mon grand-père m’a insufflé ça sans que je le sache. Si vous suivez mon parcours, cela aura été toute ma ligne politique.»
Mère artiste
Vaudois par sa mère Monique, «une femme au talent artistique fou qui étudia les Beaux-Arts à Florence vers l’âge de 20 ans», Dominique de Buman, francophone, mais pouvant s’exprimer sans trop de problèmes en allemand, est avant tout un citoyen suisse, rassembleur, ignorant les frontières cantonales. Son père, Michel de Buman, était, lui, d’un temps où passer de Fribourg à Vaud n’allait pas de soi. Médecin stagiaire à Lausanne, il postula pour un poste à l’Hôpital cantonal, l’actuel CHUV. Il se fit répondre ceci: «Michel, tu n’as qu’un seul défaut, tu es catholique et Fribourgeois.»
«La photo de famille. Je l’aime beaucoup, elle dégage de l’émotion et de l’harmonie. Mon père, Michel, et ma mère, Monique, s’adoraient. Mon frère aîné Jean-Luc et moi (à g.) avons eu une belle enfance.» © DR
Gynécologue, le père de Dominique s’installa donc sur les bords de la Sarine avec son épouse, plus précisément dans le quartier de Pérolles. «Sans cela, je serais Vaudois aujourd’hui.» Chez les Buman, on cultive des valeurs résumées ainsi: «Solides, chrétiennes, justes.» Pour ce politicien humaniste, qui se définit lui-même comme conservateur et jacobin, l’héritage est une notion rattachée à la responsabilité individuelle: «Pas question de nourrir une quelconque supériorité vis-à-vis des autres. Au contraire, il faut apprendre à redonner ce qu’on a reçu.»
Et d’évoquer son père qui ne faisait pas payer les gens les plus démunis qui venaient le consulter dans son cabinet. «Nous n’étions pas bling-bling. J’en suis très reconnaissant à mes parents. Catholiques, conservateurs, avec un esprit d’entreprise côté vaudois, mais humain, avec la conscience que la richesse est dans la force de travail.»
Pas de nostalgie
Tout sauf nostalgique, mais soucieux de l’avenir de sa ville et de son canton, Dominique de Buman est un fin observateur des changements qui s’opèrent à Fribourg. «Quand j’étais jeune, l’identification à la ville était beaucoup plus forte. Les conseillers d’Etat prenaient domicile en ville. Avec le télétravail et les moyens de transports, ils ont tendance à rester chez eux. A part Gottéron. Il est de la ville, mais tout le canton se reconnaît dans le club de hockey.»
«Les vacances à Milano Marittima, sur la côte adriatique au tout début des années soixante. Le petit blond, c’est moi. Il y avait toujours ce gars qui enfilait une peau d’ours.» © DR
Homme de tradition, soucieux de préserver le patrimoine, Dominique de Buman évite toute forme de passéisme: «Je cultive mes racines, certes, mais je n’oublie pas de faire des boutures. Je le fais même avec mes géraniums et mes cactus. A partir des branches, on fait renaître de nouvelles plantes. C’est phénoménal!» Ce célibataire, sans enfants, évoque bien entendu ici tout ce qui fait le sel de sa carrière, à savoir le dévouement et le service à la collectivité.
Méfiance et admiration
Lorsqu’il devient membre de l’Exécutif de la ville de Fribourg, dans sa trentième année, Dominique de Buman avait bien sûr en tête l’exemple de son grand-père maternel, président du Conseil communal à Roche (VD), malheureusement plus de ce monde pour suivre la carrière de son petit-fils. Ses parents, en revanche, de leur vivant, suivirent son chemin. Avec toutefois, aux tout débuts, un avertissement paternel: «Ne va pas te salir les mains là-dedans.» Une méfiance qui, à la longue, se transformera en admiration: «Chose extraordinaire, un soir, mon père est venu assister au Conseil général. Il m’a dit qu’il voulait assister aux débats pour voir ce que je faisais. A l’époque, j’avais les Finances. Le budget s’est très bien passé. Il est rentré chez lui et une demi-heure après il était mort. Il est venu dire au revoir à sa façon, sans le savoir. Lors de l’enterrement, des gens m’ont dit qu’il avait fait des commentaires élogieux sur moi après la séance du Conseil. Ma mère, partie en 2008, a pu vivre ma réélection au Conseil national de 2007.»
Et le parti, ce PDC suisse devenu Le Centre en 2021, Dominique de Buman le considère-t-il comme sa famille? «Sans botter en coin, oui, chaque parti représente une famille. J’ai fait le choix d’y rentrer, par conviction et non par opportunisme de majorité. Je ne me suis jamais posé la question d’un autre parti. Mais je considère cette appartenance comme une famille d’esprit. Je ne suis pas sectaire. J’observe d’ailleurs que les gens sentent très vite si un politicien est un apparatchik, enfermé dans ses dogmes.»
Nicolas Verdan