Opération spéciale SOLIDARITE: écrivez une lettre à vos proches, elle sera publiée!

En partenariat avec générations et les médias régionaux, Manuella Maury lira certaines lettres reçues tous les jours à 11h00 à l'antenne sur la Première. Une belle opération de solidarité à laquelle vous êtes tous invités! @Darrin Vanselow

Pour rester solidaire et unis, générations vous invite à écrire à vos enfants, petits-enfants et à vos proches. Vos lettres seront publiées sur notre site et dans le magazine. Manuella Maury ouvre les feux en écrivant à sa mère...

Le bouleversement en raison de la crise du coronavirus a créé des mouvements de solidarité inédits qui ravissent le cœur de tous, en particulier de ceux et de celles qui sont isolés ! Oui, depuis quelques longs jours, on s’entraide, on s’appelle et on s’écrit comme jamais, au téléphone, bien sûr, mais aussi sur les réseaux sociaux, par courrier, par tous ces petits et ces grands mots qu’on se laisse par boîtes aux lettres interposées. Des mots souvent très personnels, des mots vrais, qui osent dire tout ce que l’on ne s’est jamais dit, à ses parents, à ses grands-parents, à ses enfants et ses petits-enfants, reéls ou imaginaires. Bref, à tous ceux qu’on aime.

Le magazine générations – en partenariat avec Le Nouvelliste, La Liberté, Le Journal du Jura, Le Quotidien jurassien, ArcInfo, la RTS et le festival Lettres de soie de Manuella Maury – vous invite dès aujourd’hui à nous envoyer vos lettres ! Oui, des lettres, pour dire qu’on aime, qu’on accompagne, qu’on garde espoir et reste solidaires. 

Tous vos mots écrits à générations seront bienvenus, écrits à la main ou sur un clavier. Puis, ils seront publiés, sur nos réseaux sociaux et, pour un grand nombre, dans le prochain magazine générations et dans les journaux partenaires. D’autres seront lus chaque jour sur la Première, dans Porte Plume, l’émission animée par Manuella Maury. D’ici à quelques jours, quelques semaines, la correspondance entretenue grâce à vous pourra donc faire le tour de la Suisse romande et relier chacun, l’un avec l’autre, une génération avec la suivante, de 9 à 99 ans ! Pour commencer cette longue chaîne, Manuella Maury écrit à sa maman. Elle nous livre sa lettre telle que sa mère la recevra. Merci à elle.

Chaque jour, de 11h00 à 11h30, La Première, Manuella Maury

lira vos lettres dans l’émission «Porte Plume ».

COMMENT NOUS ÉCRIRE? 

  • Par écrit, à: Magazine générations, rue des Fontailles 16, 1007 Lausanne
  • En mail: contact@generations-plus.ch (objet: ma lettre)

 


 

LA LETTRE DE MANUELLA MAURY A SA MAMAN

Mase, mars 2020, en pleine épidémie

Je m’adresse à toi, à toutes celles et ceux qui te  ressemblent, A toutes celles  et ceux qui ne te ressemblent pas,

Tu te souviens bien sûr du jour où papa a été hospitalisé, le 2 août 2016. Il avait 82 ans. Ton âge aujourd’hui. Quelqu’un avait répondu à mon inquiétude devant son absence d’appétit : « Les personnes âgées n’ont jamais grande faim. » Te souviens-tu de ma violence ?  De mon arrogance aussi. J’avais hurlé : « Ce n’est pas une personne âgée, c’est mon père ! » Si je regrette de m’en être pris à une inconnue qui,  sans doute, devait être la fille d’un père et d’une mère elle aussi, et qui tentait de faire son travail d’infirmière, je ne regrette pas d’avoir personnalisé le combat. Comment peut-on parler des aînés,  des vieux, du troisième âge, des seniors, des papis et des mamis, bon sang ! Les jeunes trouvent ça très insultant d’être réduit à un groupe d’âge. Sont-ils tous sur leurs tablettes ? Tous égoïstes ? Tous délinquants ? Et les vieux ? Tous dépendants ? Boiteux ? Sans sexualité, veuves ou veufs et avec des petits-enfants pourris gâtés ? Les jeunes et les vieux sont sensibles, brillants, insolents, malicieux, cruels, bienveillants, audacieux, et gentils, et  méchants aussi. Ils sont tout. Tout sauf  des catégories.

Maman, tu es une histoire. Des centaines d’histoires.

Tu es née dans un village, petit village, moins de  300 habitants. Une vache, une chèvre, de la terre, de la pauvreté, pas de misère et plein d’enfants.  

Tu es née en 1938, la guerre semblait lointaine dans ta vallée latérale. Papa se rappelait pourtant d’avoir vu un avion s’écraser sur les crêtes de Thyon 2000. Quand il racontait, j’aimais l’entendre. Il disait que c’était la nuit, que le village sans voiture et sans route s’était endormi. Que soudain il y avait eu une explosion de soleil sur la montagne. Il racontait papa. Toi, tu es tellement discrète. Tu as tellement peur de prendre trop de place. De déranger.  De faire du bruit. 

Maman, tu es tombée amoureuse à pas même 20 ans. Tu as mis au monde quatre filles, tu as bossé toute ta vie dans un restaurant. Tu en as vu des pleutres, des courageux, des cocus, des tendres et des violents. Tu en as eu des migraines, des joies,  des surprises. Tu es même montée dans un avion pour faire le tour du monde à 50 ans. Vous avez vécu à deux, le combat, le bonheur, le silence, le travail et, après 56 ans de vie commune, tu as enterré ton mari. Tu as cru que tu n’y survivrais pas, que tu ne sourirais plus. Mais, un jour, au printemps, tu as recommencé à chercher dans la terre des semences protégées  par l’hiver. La rocaille poussait. Tes cheveux étaient jour blanc, mais dans ton œil clair, il y avait autre chose que de la pluie. 

Et puis, le virus est arrivé. Stopper le mouvement. Voilà ce qu’il exige. S’asseoir et oser dire à l’autre ce que l’on ressent. 

Maman, j’ai peur pour toi. J’aimerais te protéger de toutes celles et ceux qui t’approchent sans avoir la foi. Celles et ceux qui pensent que n’existe que ce qui se voit. Ceux qui défient le virus avec arrogance et insouciance. Celles et ceux qui misent avec fata-lisme sur la sélection naturelle. Maman j’aimerais te serrer contre moi, comme l’enfant que je n’ai pas eu. J’aimerais te protéger des méchants, de l’isolement, de la boîte inconnue : personnes à risque. Juste une étiquette sur laquelle on mettrait un tampon « épidé-mie ». Maman, j’ai peur qu’on t’oublie. J’ai peur qu’on ne voie dans tes rides, tes hésitations, ton déséquilibre, dans ta fatigue parfois, une simple catégorie d’âge. J’ai peur de redevenir violente, de hurler à nouveau : « Ce n’est pas une personne âgée, c’est ma mère ! Ma mère, ce sont des milliers d’histoires ! »

Moi, je sais, je sais ton amour des oiseaux. Tu les observes des heures durant venir voler les graines sur le balcon. Et tu dis parfois au téléphone avec tellement d’admiration : « La pie, quelle beauté tout de même, non ? » Tu te satisfais d’un rien. T’intéresse à tout. T’excuse beaucoup trop souvent. Souris devant l’orchidée qu’on croyait morte et qui a fini par refleurir. Tu dis : « Il faut de la patience dans la vie. »

Maman, ma peur de te perdre, c’est aussi ma terreur de voir disparaître avec toi cette génération élevée dans le sens de la communauté. Papa disait : « Le village est plus important que la famille. » Je te lis ma lettre alors que tu es en vie. Je te regarde.  Et toi, tu touches le bord du cadre où papa sourit, tu essuies la poussière en t’excusant encore et me dis : « N’aie pas peur, fais confiance, nous serons là, avec toi, pour la nuit des temps. »

Maman, prends soin de toi. Reste à l’écart.  Reste avec moi. 

Manuella


 

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