Faut-il subventionner la prévention dentaire?

Les frais dentaires ne sont en Suisse en général pas pris en charge par l'assurance maladie. © iStock

Le Parti socialiste genevois vient de lancer une initiative cantonale intitulée «Pour des soins dentaires accessibles à toute la population.» Un projet qui divise. Deux personnalités politiques défendent leur point de vue.

- Pourquoi proposez-vous que la classe moyenne inférieure genevoise bénéficie d’un chèque de 300 francs par an pour ses dents?

- L’idée est de donner les moyens à tous d’accéder à la prévention dentaire, actuellement ni valorisée ni financée. Toute une partie de la population qui ne bénéficie d’aucun soutien (aide sociale ou prestations complémentaires) fait l’impasse sur une telle consultation. Pourtant, la prévention permet d’éviter 80% des problèmes dentaires, qui ont un fort impact sur la santé des personnes, ainsi qu’un coût à la charge de la société, car même la classe moyenne peine à payer la facture.

- Ces 300 francs sont donc destinés à la prévention?

- Le montant du chèque est calqué sur les soins annuels de prévention, à savoir un détartrage et une radiographie. Cela dit, il peut aussi contribuer à des soins.

- Mais même si un gros problème est détecté, les moyens manqueront…

- Dans ce cas, le patient pourra planifier une intervention avec son dentiste et, éventuellement, chercher des aides financières.

- Que répondre à vos opposants, qui rétorquent que les problèmes dentaires ne dépendent pas que de l’hygiène dentaire, mais aussi de la qualité de vie (alimentation…)?

- Qu’elle permet d’éviter une grande partie des affections, même si ce n’est pas 100% d’entre elles. Mais est-ce pour autant qu’il ne faut rien faire?

- Toutes les initiatives précédentes ont échoué. Pourquoi la vôtre passerait-elle la rampe?

- Car on ne parle pas ici d’une assurance où l’assuré doit payer une participation, mais d’un chèque.

- S’attaquer à l’assurance obligatoire n’est donc plus à l’ordre du jour?

- Quand on voit les coûts que cela représente pour les assurés, la bureaucratie que cela implique, les réserves confisquées par les assureurs, etc., cela semble peu probable qu’on parvienne à trouver une majorité au niveau fédéral pour intégrer les soins dentaires dans le catalogue de la LAMal.

- Pourquoi n’êtes-vous pas favorable à un versement de 300 francs pour favoriser la prévention dentaire? 

- Ce serait une aberration dans une république en faillite de continuer à dépenser, dans la mesure où on serait obligé de créer un nouveau service — avec des secrétaires, des contrôleurs, etc. — pour administrer cela, alors que nous avons déjà un médecin cantonal pour remplir cette mission. Ce qui me dérange aussi, c’est qu’on arrose toujours ceux qui sont au bénéfice des subsides de l’assurance — puisque ces 300 francs sont destinés aux personnes qui en touchent déjà, mais ne sont pas à l’assistance sociale —, et que l’on ponctionne systématiquement la classe moyenne qui travaille. 

- Pourtant, anticiper les problèmes dentaires permettrait de limiter les frais, qui finissent souvent par devoir être supportés par la société, non?

- Je ne dis pas qu’il ne faut pas faire de la prévention. Mais, si celle-ci est actuellement insuffisante, c’est au Service du médecin cantonal de l’accentuer. On a déjà tout ce qu’il faut pour mener cela à bien.  

- On estime que 20% de la population renonce aux soins dentaires faute de moyens. N’y a-t-il quand même pas un problème? 

- Peut-être, mais ce ne sont pas ces 300 francs qui le réglera. Mieux vaut, par exemple, intensifier la prévention dans les écoles s’il y a un vrai souci de santé publique. De toute façon, même avec une telle allocation, le coût des grosses interventions finira, bien souvent, par être pris en charge par l’assistance sociale. Cette initiative ne fera que baisser le pouvoir d’achat des Genevois qui travaillent. 

- Estimez-vous quand même que, en Suisse, les soins dentaires ne sont accessibles qu’aux riches?

- Non. Les soins dentaires sont relativement bon marché par rapport aux autres pays où l’assurance les prend en charge. Les faire entrer dans la LAMal serait d’ailleurs une erreur, car dans toutes les contrées où cela a été mis en œuvre, les coûts des soins dentaires ont largement augmenté!

Propos recueillis par Frédéric Rein

 

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