Consommation: l’inflation augmente lentement, mais sûrement

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Les prix du pain, du café comme de l’essence, pour ne citer qu’eux, sont ou seront bientôt à la hausse. Notre pouvoir d’achat s’érode progressivement. Retour sur ce phénomène, ses conséquences et les moyens de limiter au maximum ses effets.
Cet été, votre barquette de 500 grammes de tomates cherry suisses devrait vous coûter plus cher au moment de passer à la caisse. Le prix affiché sur le ticket dépassera probablement les 6 francs, contre 5,50 francs jusqu’alors, soit 12% de plus. Il en sera vraisemblablement de même pour les produits de boulangerie, selon la Fédération des meuniers suisses. En 2021, les récoltes de céréales ont été impactées par les conditions exceptionnelles au printemps et les dégâts causés par la grêle en été.
Après avoir fait les courses, peut-être irez-vous boire un café. Le petit noir, lui aussi, devrait boire la tasse ! Il pâtit entre autres des mauvaises conditions climatiques enregistrées par les plus importants producteurs mondiaux, comme le Brésil, la Colombie et le Vietnam, ainsi que des restrictions sanitaires liées à la pandémie.
Et la liste des produits impactés par l’inflation est encore longue. Pour Marc, jeune retraité lausannois, comme pour beaucoup d’Helvètes, chaque hausse est un coup porté au porte-monnaie. « Le passage à la retraite m’a déjà obligé à revoir mon budget à la baisse, et l’inflation, aussi limitée soit-elle, ajoute une couche, d’autant que ma rente, qui n’est pas énorme, n’est bien évidemment pas indexée à l’augmentation des prix (lire encadré), confie-t-il. Les pertes du pouvoir d’achat sont tellement fréquentes que j’ai l’impression que c’est un mouvement perpétuel. »
En 2021, selon l’Office fédéral de la statistique (OFS), l’inflation aura été de 0,6% — notre franc fort nous a heureusement préservé de plus grandes envolées, comme celles enregistrées dans les autres pays (4,9 % dans la zone euro, 6,8% aux Etats-Unis). « Au cours des dernières années, trois éléments qui, traditionnellement alimentent l’inflation, étaient en outre absents en Suisse: une activité économique soutenue, une augmentation marquée des prix du pétrole et une forte pression à la hausse sur les salaires, explique James Mazeau, économiste au sein de la Recherche d’UBS Global Wealth Management. L’absence de ces facteurs inflationnistes a contribué à maintenir le renchérissement à un niveau bas, mais constant. »
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Le mazout, le premier impacté par la hausse des prix
Toujours est-il que, dans un pays où le coût de la vie est déjà très élevé, tout renchérissement à son importance. Hormis en 2020 (- 0,7 %), le renchérissement annuel moyen n’a fait qu’augmenter depuis 2017. En comparaison annuelle, en 2021, c’est le prix du mazout qui a le plus fortement augmenté (36,8 %), ainsi que celui de l’essence et du diesel, qui ont renchéri d’un quart. « La hausse du prix du carburant s’est répercutée dans plusieurs domaines, à commencer par celui des transports », précise Jean Busché, responsable économie & NTIC à la Fédération romande des consommateurs (FRC). Elle a également impacté, en partie, le prix des denrées. Hormis le transport, les biens de consommation ont été confrontés à la situation économique mondiale, à savoir des ports congestionnés et des containers qui se faisaient plus rares. Se sont ajoutées les pénuries d’approvisionnement, souvent en lien avec le réchauffement climatique (canicules, incendies, grêle, etc.).
Ces frais supplémentaires ont induit une augmentation du coût de production qui, par la force des choses, s’est répercutée sur le consommateur. « Elle est toutefois à relativiser, souligne le spécialiste de la FRC. L’acceptabilité de l’inflation pour les consommatrices et les consommateurs est difficile à appréhender, car les habitudes varient beaucoup d’une personne à l’autre. Cela dit, tant que l’augmentation du prix est proportionnée à celle de la hausse des coûts de production et de transport, il est difficile d’émettre un jugement dans le cadre d’une économie de marché. Cependant, si ce ne devait plus être le cas, que les produits transformés perdaient en quantité ou en qualité, la FRC agirait. On souhaiterait d’ailleurs davantage d’informations sur les marges réalisées par les enseignes. »
D’autant plus que l’avenir ne semble pas franchement plus réjouissant, puisque une étude de la banque aux trois clés estime que l’inflation devrait avoisiner le 1% en 2022. « Ce sont tout d’abord les secteurs dépendant fortement des combustibles fossiles qui devraient être les plus touchés : les transports (carburant) et le logement (chauffage). Ensuite, les biens qui connaissent des goulots d’étranglement dans leur production devraient également être plus impactés », commente James Mazeau. A notre petit niveau de consommateur, nous ne pouvons pas directement influer sur l’inflation, mais nous pouvons, en revanche, changer nos habitudes pour dépenser moins. Voici quelques pistes…
Quelques astuces pour limiter l’effet de l’inflation
Face à l’inflation, le consommateur peut agir dans une certaine mesure. La Fédération romande des consommateurs, par le biais de Jean Busché, prône la réparabilité et la promotion des circuits courts. « On constate une augmentation moindre des produits indigènes par rapport aux produits importés, analyse-t-il. On pourrait y voir une incitation à la consommation locale. » Il existe, en outre, d’autres façons concrètes de limiter les coûts…
S’agissant du carburant, on peut notamment vérifier régulièrement la pression de ses pneus, enlever le poids inutile (dans le coffre ou sur le toit). Selon le TCS, on consommerait 0,4 litre de plus aux 100 kilomètres avec une charge supplémentaire de 100 kilos. Autres conseils : changer de vitesse dès 2500 tours et anticiper les aléas routiers au maximum. Enfin, activer le « Start and Stop » si sa voiture en est équipée; si ce n’est pas le cas, il n’est pas conseillé d’éteindre le moteur manuellement, parce que le démarreur n’est pas renforcé, comme sur les modèles qui ont un « Start and Stop ».
Lorsqu’on est chauffé au mazout, il existe aussi des moyens d’économiser. A commencer par ne pas surchauffer. Dans le séjour, par exemple, 20 degrés suffisent. Un degré de moins représente une économie d’énergie de 7 % ! Il convient aussi de diminuer la température la nuit ou quand on s’absente, de vérifier la pression de l’installation de chauffage, de ne pas placer des meubles devant un radiateur, car cela diminue son efficacité, ou encore de coller une feuille d’aluminium sur le mur derrière vos radiateurs pour refléter la chaleur vers l’intérieur.
Pour ce qui est des denrées alimentaires, il existe également une multitude d’astuces, comme de ne pas faire ses courses en ayant faim, de bien gérer ses stocks pour diminuer le gaspillage, de profiter des promotions (notamment les actions de fin de journée), de tenir un budget ou encore d’éviter le take-away et les repas tout prêts. Une Glaronaise a tenté l’expérience, ce qui lui a permis d’économiser 6000 francs en une année. Quand on a de bons rapports de voisinage, on peut aussi faire des achats groupés en grandes quantités, ce qui permet d’obtenir des prix moins élevés. Payer moins cher, c’est également ce que propose l’application Too Good To Go, lancée en Suisse en 2018. Au lieu que des aliments soient jetés, ils sont vendus en fin de journée (30 minutes avant la fermeture de l’établissement choisi) à prix cassés. Cette plateforme possède des centaines de partenaires
(Migros, de nombreuses boulangeries, des restaurants) et permet, du même coup, d’éviter le gaspillage. On préserve donc à la fois son porte-monnaie et la planète !
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L’inflation touche de plein fouet les seniors
Actuellement, les rentes des seniors ne sont pas indexées au coût de la vie, même si on évoque la création d’une 13e allocation. Ne faudrait-il dès lors pas changer de système ? La conseillère nationale genevoise Laurence Fehlmann Rielle (soc.) y serait favorable. « Ce serait légitime, dans la mesure où la Constitution prévoit que les rentes doivent permettre de vivre dignement et couvrir les besoins vitaux au moment de la retraite, explique-t-elle. Néanmoins, les tentatives faites, il y a plus de vingt ans, pour exiger une adaptation automatique de la rente AVS n’ont jamais abouti. Il y aurait lieu de revoir un système très complexe qui, pour une adaptation minimaliste, fait intervenir beaucoup de paramètres. »
Roland Grunder, coprésident du Conseil suisse des aînés, qui a créé un nouveau groupe de travail nommé « Economie et Fiscalité » qui souhaite ouvrir le débat sur cette question comme sur la baisse des rentes LPP, abonde : « Il s’agit d’un vrai problème, notamment pour les petits rentiers qui n’ont parfois pas de deuxième pilier. En Suisse, l’indexation des rentes, que ce soit l’AVS ou la LPP, est un débat extrêmement sensible, pour ne pas dire tabou ! Pourtant, une brèche s’est ouverte le 1er janvier 2022 par l’adaptation, pour la première fois, de certaines rentes, notamment celles de survivants et d’invalidité de la LPP. »
Tristan Gratier, directeur de Pro Senectute Vaud, fait, quant à lui, preuve de plus de retenue : « Une telle indexation risquerait d’aller dans les deux sens, à savoir une baisse en cas de déflation, avec toutes les incertitudes que cela comporte et les changements qui en résulteraient sur le budget des personnes concernées. C’est donc un mécanisme à prendre avec beaucoup de prudence, d’autant plus que la question du financement de l’indexation des rentes n’est pas du tout assuré, les caisses de l’AVS étant dans le rouge. Et c’est encore plus complexe avec les rentes LPP, puisqu’elles ont été financées durant la vie professionnelle. Une solution serait peut-être de faire le point à temps réguliers pour voir si des modifications doivent être initiées, comme c’est le cas actuellement avec la révision de l’AVS.» Affaire à suivre.
Frédéric Rein